Un signal d’alarme urgent aux institutions
La situation financière de l’enseignement catholique en Nouvelle-Calédonie a atteint un point de rupture, comme l’a révélé de manière solennelle Manoël VAN AERSCHODT, directeur diocésain de l’enseignement catholique. Cette crise menace directement le fonctionnement des établissements scolaires catholiques qui scolarisent près de 12 100 élèves répartis sur l’ensemble du pays.
Une situation financière catastrophique
L’ADEC (Association Diocésaine de l’Enseignement Catholique) se trouve dans une impasse budgétaire critique. « En avril, nous ne pourrons plus payer nos 513 salariés directs« , avertit M. VAN AERSCHODT. Ces employés, essentiels au bon fonctionnement des établissements, comprennent le personnel de cantine, les surveillants d’internat, les agents d’entretien et les administratifs. Contrairement aux enseignants qui sont rémunérés par l’État, ces postes dépendent entièrement des fonds propres de l’enseignement catholique.
Le directeur diocésain précise que depuis le début de l’année 2024, l’ADEC puise dans ses réserves financières pour honorer ses engagements salariaux, avec des dépenses mensuelles atteignant 240 millions de francs CFP (charges patronales incluses). Une situation intenable à moyen terme, d’autant que les rentrées d’argent promises ne sont pas au rendez-vous.
La délibération 360 : un texte voté mais non appliqué
Au cœur de la crise se trouve la non-application complète de la délibération 360, adoptée fin 2023 après la marche blanche de mai 2023 organisée par l’enseignement catholique. Ce texte crucial devait garantir un financement équitable entre enseignement public et privé, avec une clé de répartition entre les différentes collectivités (gouvernement, provinces et communes).
Cependant, son application se heurte à plusieurs obstacles majeurs :
Des taux de financement insuffisants : Les montants alloués par élève (différenciés entre primaire, collège et lycée) ne couvrent pas les besoins réels. « On nous impose des taux sans nous expliquer leur mode de calcul », déplore le directeur.
Un déficit croissant : Le manque à gagner est passé de 350 millions de francs CFP en 2023 à 500 millions en 2024.
Des collectivités défaillantes : Si le gouvernement et la province Sud ont partiellement honoré leurs engagements, les provinces Nord et Îles ainsi que de nombreuses communes n’ont pas versé leur quote-part. Des conséquences immédiates et dramatiques.
Face à cette crise financière, l’enseignement catholique envisage des mesures extrêmes :
Licenciements économiques inévitables pour réduire une masse salariale déjà diminuée de 20% depuis 2018. « Nous avons atteint la limite de nos capacités d’économie sans licenciement« , explique M. VAN AERSCHODT.
Suppression possible du service de restauration scolaire, qui toucherait près de 9 335 demi-pensionnaires. « Où iront ces enfants manger à midi ? Ils devront jeûner jusqu’à 16 ou 17 heures« , s’alarme le directeur.
Fermetures ciblées d’établissements, notamment les petites écoles en zone rurale, malgré leur rôle social crucial. L’exemple de Pouebo: fermer l’école obligerait des enfants de maternelle à parcourir 40 km quotidiennement.
Une réunion cruciale pour l’avenir
Une lueur d’espoir apparaît avec la convocation par le gouvernement d’une réunion d’urgence rassemblant toutes les institutions concernées. Cette rencontre, initiée par Mme Champmoreau en charge de l’enseignement, vise à trouver une solution concertée.
- VAN AERSCHODT y voit l’occasion de :
– Obtenir l’application complète de la délibération 360.
– Sécuriser un financement pluriannuel pour sortir de la précarité budgétaire annuelle.
– Établir un dialogue constructif avec toutes les collectivités concernées.
– Des enjeux structurels plus profonds.
Au-delà de l’urgence financière, cette crise met en lumière des problèmes structurels :
La question de la carte scolaire : La dispersion géographique des établissements (nécessaire pour desservir tout le caillou) empêche toute économie d’échelle.
L’iniquité de traitement entre public et privé : « Pourquoi les personnels similaires sont-ils systématiquement payés dans le public et pas chez nous ?« , interroge le directeur.
L’absence de vision à long terme pour l’ensemble du système éducatif calédonien.
Alors que la préparation de la rentrée 2026 doit normalement commencer, l’enseignement catholique se trouve paralysé par cette crise financière.
« Nous ne demandons pas de privilèges, mais simplement l’équité promise par la loi« , conclut M. VAN AERSCHODT. L’avenir de milliers d’élèves et de centaines de familles dépend désormais de la réponse des institutions à cet appel au secours.