Une pénurie aux multiples conséquences
Le secteur de la santé calédonien traverse une crise profonde, marquée par une pénurie de professionnels et des répercussions économiques croissantes. Selon une enquête récente de la Fédération des Professionnels Libéraux de Santé (FPLS), 40% des praticiens libéraux éprouvent des difficultés à trouver des remplaçants, un chiffre qui grimpe à 63% pour les chirurgiens-dentistes et 60% pour les kinésithérapeutes. Les établissements publics ne sont pas épargnés, avec près de 50% des blocs opératoires fermés par manque de personnel.
Un écosystème économique fragilisé
Au-delà de l’accès aux soins, c’est toute la chaîne économique qui est impactée. Les cabinets médicaux, souvent de petites entreprises employant secrétaires et assistants, représentent un maillon essentiel du tissu local. Xavier Delagneau, président du Syndicat des Chirurgiens-Dentistes, souligne que 22 dentistes ont quitté la Nouvelle-Calédonie depuis mai dernier, entraînant une concentration des services dans les quartiers centraux de Nouméa et des déserts médicaux en province.
Le poids financier des dysfonctionnements
Les conséquences budgétaires sont lourdes. Patrice Gautier, président de la FPLS, rappelle qu’un patient perfusé à domicile coûte six fois moins cher qu’à l’hôpital. Pourtant, le manque d’infirmiers libéraux – dont un tiers envisage de partir – complique la transition vers des soins ambulatoires plus économes. François Delbois, vice-président de l’Alliance des Infirmières Calédoniennes, alerte sur un possible « crash du système », avec des répercussions en cascade sur les cotisations sociales et la productivité.
Des solutions consensuelles mais bloquées
Les professionnels du secteur plaident pour une réforme urgente, s’appuyant sur des consensus déjà établis lors des Assises de la Santé (2015-2019). Parmi les pistes :
– Une meilleure porosité entre secteurs public et privé pour optimiser les ressources.
– La valorisation des soins à domicile, moins coûteux que l’hospitalisation.
– Un assouplissement des rigidités bureaucratiques, jugées inadaptées aux réalités locales.
L’urgence d’agir
Eric Cateine, président du Syndicat des Prestataires de Santé à Domicile (SIPSAD), insiste sur la nécessité de considérer la santé comme un investissement plutôt qu’un coût. « Un point d’investissement dans la santé génère 0,5% de PIB supplémentaire », rappelle-t-il. Pourtant, les blocages persistent, notamment sur les questions de conventionnement et de financement.
Sans mesures rapides, le risque est grand de voir s’effondrer un système déjà fragilisé, avec des conséquences dramatiques pour la population et l’économie locale.