Nouméa, Nouvelle-Calédonie — Le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS) a réagi ce mardi au projet d’accord transmis par l’État français dans le cadre des discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Tout en reconnaissant les avancées des négociations, le mouvement indépendantiste dénonce un texte qui « renforce les liens d’appartenance à la France » et reporte à plus tard l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple kanak.
### Des discussions sous tension
Depuis fin mars, les acteurs politiques calédoniens, sous l’égide du ministre d’État chargé des Outre-mer, Manuel Valls, participent à une séquence de discussions qualifiée d’« historique ». Ces échanges, mêlant plénières et rencontres bilatérales, visaient à relancer un dialogue sur l’émancipation de l’archipel, conformément aux accords de Matignon-Oudinot (1988) et de Nouméa (1998). Le FLNKS, mouvement historique de la lutte indépendantiste, y a réaffirmé sa position : « L’Accord de Nouméa est le plancher des négociations, pas le plafond », rappelle le communiqué publié ce mardi.
Le FLNKS critique vivement le projet transmis par Paris, jugé « ancré dans le droit interne français » et ignorant « la philosophie décoloniale » portée depuis des décennies. Le texte actuel, selon le mouvement, ne garantit ni un calendrier précis pour le transfert des compétences régaliennes (sécurité, justice, monnaie), ni la supervision des Nations unies, pourtant réclamée par les indépendantistes. « La pleine souveraineté n’est pas un rêve, c’est une réalité que nous devons aller chercher aujourd’hui », martèle le FLNKS, dénonçant « l’attitude paternaliste » de l’État français.
### Un processus « précipité » et « superficiel »
Le Front reproche également à Paris de vouloir « allonger la dépendance » de la Nouvelle-Calédonie, évoquant le récent vote d’un budget « qui endette les générations futures et nous maintient sous perfusion ». Les propositions sur le corps électoral – sujet explosif depuis les mobilisations de 2021 – sont qualifiées de « report inacceptable », le projet renvoyant à une future loi « fondamentale » pour définir la citoyenneté calédonienne.
Autre point de friction : la gouvernance. Le FLNKS rejette catégoriquement toute idée de « partition du pays » et dénonce le « renforcement des provinces », perçu comme un obstacle à la construction d’une nation kanake unie. « L’État conforte la pensée coloniale selon laquelle les Kanak ne sont pas capables de gérer leur pays », déplore le mouvement.
### Prochaines étapes : une convention fin avril
Malgré ces critiques, le FLNKS assure vouloir poursuivre les négociations pour aboutir à un accord « gagnant-gagnant ». Les différentes composantes du Front (Palika, UC, UPM, etc.) doivent se réunir d’ici fin avril pour évaluer la situation et définir une position commune. Une convention du mouvement est prévue à cette échéance, avec un objectif clair : éviter un accord « négocié dans la précipitation » et contraire aux « aspirations légitimes » du peuple kanak.
Enfin, le FLNKS réaffirme son refus de reconnaître la légitimité du troisième référendum de décembre 2021 – boycotté par les indépendantistes en raison de la pandémie – et rappelle son attachement à une décolonisation « irréversible », conforme au droit international.
Une question en suspens : l’État français saura-t-il intégrer ces demandes dans un calendrier apaisé, ou le spectre d’une nouvelle crise politique plane-t-il sur le Caillou ? La réponse se jouera dans les prochaines semaines, sous le regard inquiet d’une population divisée.