Un procès politique à haut risque
Philippe Gomès, figure emblématique de la vie politique calédonienne et fondateur de Calédonie Ensemble, comparaît depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Nouméa. Accusé avec six autres cadres du parti (dont Philippe Michel et Martine Lagneau) de détournement de fonds publics, l’ancien député risque une peine d’inéligibilité qui pourrait mettre fin à sa carrière politique.
Les faits reprochés (2014-2018)
Les magistrats instructeurs décrivent dans leur ordonnance de renvoi un « vaste système d’emplois fictifs » au profit de la communauté wallisienne et futunienne, destiné à :
– Recruter des chefs coutumiers comme collaborateurs de cabinet
– Les rémunérer via des crédits publics (Province Sud et Congrès)
– Orienter leur activité vers la prospection électorale au bénéfice de Calédonie ensemble
« Un nombre conséquent de chefs coutumiers étaient rémunérés pour des fonctions jamais ou très peu exercées« , précise le document judiciaire consulté par La Voix du Caillou.
Un système minutieusement organisé
L’enquête a révélé :
– 40 collaborateurs concernés selon les estimations
– Des crédits « saucissonnés » pour multiplier les postes
– Des réunions politiques comptabilisées comme travail institutionnel
– Des plannings fictifs ne correspondant pas aux activités réelles
Le responsable RH de la province Sud aurait déclaré aux enquêteurs : « Le groupe CE se démarquait en recrutant un maximum de collaborateurs sur un seul poste budgétaire.«
La défense : dénonciation d’une « bidouille politico-judiciaire »
Philippe Gomès conteste fermement les accusations, s’appuyant sur :
1. Un non-lieu en 2014 pour des faits similaires
2. La nature politique du travail des collaborateurs
3. Des pratiques comparables chez d’autres formations politiques
« Il semble illusoire d’exiger de militants politiques embauchés en tant que tels de justifier d’une activité par nature multiforme« , avait argué le parti en 2022.
Enjeux et conséquences potentielles
Au-delà des peines encourues (jusqu’à 10 ans de prison et 120 millions FCFP d’amende), c’est surtout la menace d’inéligibilité qui pèse sur les prévenus, à quelques mois des élections provinciales. Une condamnation pourrait :
– Redessiner le paysage politique calédonien
– Affaiblir durablement Calédonie ensemble
– Impacter les alliances en cours de recomposition
Déroulement prévisible :
– 5 jours d’audience (jusqu’à vendredi)
– Délibération de plusieurs semaines attendue
– Jugement probable avant la fin de l’été
Ce procès intervient dans une période cruciale pour la Nouvelle-Calédonie, marquée par :
– L’échec récent des négociations institutionnelles
– La préparation des élections provinciales
– Une recomposition des forces politiques après la crise de 2024
« Chacun des mis en examen a participé à la mise en œuvre des recrutements dont il est impossible d’établir un travail effectif« , soulignent les juges d’instruction dans leur ordonnance.
Ce procès historique, qui mêle enjeux judiciaires, politiques et communautaires, pourrait marquer un tournant dans la vie politique calédonienne. L’audience se poursuit dans une atmosphère tendue, sous le regard attentif de toute la classe politique locale.