Le tribunal correctionnel de Nouméa a entamé cette semaine l’examen d’une affaire retentissante impliquant Philippe Gomès et plusieurs cadres de Calédonie Ensemble, accusés de détournement de fonds publics entre 2014 et 2018. Au cœur des débats : l’emploi controversé de chefs coutumiers wallisiens et futuniens comme collaborateurs de cabinet.
Un système clientéliste mis à nu
Dès l’ouverture des audiences, la présidente du tribunal a consacré plus de quatre heures à la lecture des dépositions d’une quarantaine de responsables coutumiers. Ces témoignages, recueillis sous commission rogatoire, dépeignent un système organisé où ces chefs étaient rémunérés par la province Sud et le Congrès sans exercer de réelles fonctions.
« Je n’ai jamais travaillé pour un élu. Mon seul travail était de parler du parti et de faire voter les gens pour Philippe Gomès« , a déclaré l’un des chefs coutumiers, employé officiellement comme secrétaire de direction. Un autre, ne parlant pas français, ignorait même sa qualité de collaborateur parlementaire.
Des rémunérations pour influence électorale
Les enquêteurs ont établi que ces collaborateurs percevaient des salaires allant jusqu’à 138 000 francs CFP mensuels pour un travail se limitant à mobiliser leur communauté. « Philippe Gomès nous disait clairement que nous étions payés pour faire voter les gens pour lui« , a témoigné un responsable coutumier.
L’ordonnance de renvoi souligne que l’ancien président de la province Sud « pilotaient personnellement le recrutement » et organisait des réunions hebdomadaires au foyer wallisien de Magenta, consacrées essentiellement à des questions électorales.
Une défense qui mise sur le flou réglementaire
L’équipe de la défense, menée par Me Jean-Yves Le Borgne, s’attache à contester le cadre juridique entourant ces emplois. Elle met en avant l’absence de définition claire des fonctions de collaborateur et l’imprécision des textes sur leur recrutement.
Le procès a également vu des tensions avec Silipeleto Muliakaaka, premier lanceur d’alerte, dont les déclarations contradictoires ont suscité l’agacement de la défense. « La communauté wallisienne a été manipulée« , a-t-il affirmé, tout en reconnaissant avoir participé au système.
Enjeux politiques majeurs
Philippe Gomès, présent à l’audience, alterne entre prise de notes frénétique et réactions vives. Ce procès engage non seulement son avenir politique personnel, mais aussi celui de Calédonie Ensemble, parti majeur de la scène politique calédonienne.
Les débats doivent se poursuivre dans les prochains jours avec l’audition des principaux accusés. La décision du tribunal est attendue avec impatience, alors que cette affaire met en lumière les pratiques clientélistes au sein des institutions calédoniennes.