Face à une immigration massive présentée comme « choisie », Arnaud Poulain dénonce un leurre dangereux pour notre économie et plaide pour une revalorisation du travail en France.
On croyait qu’au moins un consensus subsistait : celui du constat lucide d’un échec massif de la politique migratoire. Mais non. Alors que l’immigration déstabilise nos services publics, fracture nos écoles, alimente les violences, délite la cohésion nationale, certaines élites en réclament davantage. Elles n’osent plus le dire aussi frontalement qu’hier, alors elles changent de vocabulaire : place désormais à l’immigration « choisie ». Habillage technocratique d’une stratégie de submersion, cette idée n’est qu’un leurre. Pire : c’est un piège.
Le think tank Terra Nova a ainsi proposé cette semaine d’accueillir entre 250 000 et 310 000 immigrés chaque année d’ici 2040-2050 pour satisfaire les besoins du marché du travail. Faites le calcul : cela représente entre 3,6 et 7,7 millions de personnes supplémentaires dans les vingt-cinq prochaines années. Et ce, sans compter l’immigration familiale ou illégale. Autrement dit, l’équivalent de plusieurs grandes villes entières ajoutées à notre pays sans débat démocratique, sans stratégie d’intégration réelle, sans que les Français n’aient jamais donné leur accord.
À ceux qui s’inquiètent, on répond que cette immigration serait encadrée, filtrée, maîtrisée. Il faudrait « mieux choisir », et tout irait mieux. C’est la promesse du modèle canadien, présenté comme une référence. Mais il faut regarder ce qu’est devenu le Canada aujourd’hui.
Depuis plusieurs années, le Canada a mis en place un système d’immigration par points. Chaque candidat est évalué selon sa formation, ses compétences, son âge, sa maîtrise de l’anglais. Sur le papier, tout semble rigoureux. Mais entre 2021 et 2023, ce sont plus d’un million de nouveaux résidents permanents qui ont été accueillis. À l’échelle française, cela reviendrait à intégrer près de deux millions de personnes en trois ans.
Les conséquences sont explosives. À Toronto et Vancouver, les loyers ont bondi de plus20 % en deux ans. Les files d’attente pour accéder à un médecin atteignent plusieurs mois, les classes sont saturées, les infrastructures asphyxiées. Même la Banque du Canada a dû alerter sur les risques de tensions sociales, d’exclusion des classes moyennes et de déséquilibres économiques durables. Même dans ce pays vaste, stable et riche, l’immigration choisie a provoqué un choc systémique. Et pourtant, certains voudraient importer ce modèle en France, alors même que nous subissons déjà une crise de l’école, de l’hôpital, du logement et de l’autorité républicaine.
Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas mieux trier l’immigration, c’est la réduire massivement
Ceux qui promeuvent cette immigration disent qu’elle répondrait à nos pénuries de main-d’œuvre. Mais dans la réalité, elle organise surtout une concurrence déloyale avec les travailleurs français pouvant entraîner des baisses de salaires dans certains secteurs. Ce n’est pas une pénurie, c’est un refus d’améliorer les conditions de travail. L’immigration devient l’alibi des renoncements. Et bien sûr, l’appel d’air est immédiat. Regroupement familial, régularisations, naturalisations automatiques : même le Royaume-Uni, avec un système de visa à points, a vu ses flux migratoires bondir de 35 % sur cette seule année. On ouvre une porte au nom du pragmatisme, et c’est toute la digue qui saute.
Mais l’un des effets les plus pernicieux de cette politique se voit dans les pays d’origine. L’Organisation mondiale de la santé estime que 40 % des médecins formés en Afrique subsaharienne exercent à l’étranger. C’est un pillage organisé : nous dépossédons ces pays de leurs forces vives, de leurs ingénieurs, de leurs soignants, de leurs cadres. Et c’est précisément ce pillage qui alimente ensuite l’immigration illégale. Car ces pays, affaiblis, désorganisés, privés de leurs élites, sombrent dans la misère. Les services publics s’effondrent, les perspectives s’effacent et les populations fuient. Ainsi, l’immigration choisie nourrit directement l’immigration subie. L’un est le visage respectable de l’autre.
Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas mieux trier l’immigration, c’est la réduire massivement. Et au lieu de chercher à combler nos manques à l’extérieur, commençons par revaloriser le travail chez nous.
La France compte aujourd’hui près de 7,5 % de chômage. Et si l’on y ajoute les travailleurs précaires ou découragés, ce taux grimpe bien au-delà. Pourtant, certains secteurs bâtiment, agriculture, aide à la personne n’arrivent pas à recruter. Pourquoi ? Parce que ces métiers sont mal considérés, mal payés, épuisants. Le vrai défi, il est là : rendre ces emplois dignes, attractifs, durables. Former nos jeunes, revaloriser le travail manuel, repenser notre système de formation, restaurer l’échelle des salaires. C’est plus difficile qu’importer de la main-d’œuvre. Mais c’est le seul chemin d’une souveraineté sociale, économique et nationale retrouvée. Et surtout, il faut le dire clairement : le vrai levier pour répondre à nos défis démographiques et économiques, c’est la natalité.
L’immigration choisie nourrit directement l’immigration subie
La France ne se relèvera pas durablement en misant sur l’immigration de remplacement. Elle ne le fera qu’en retrouvant le goût de la transmission, en soutenant les familles, en permettant à chaque couple de faire les enfants qu’il désire, sans que cela devienne un fardeau économique. Relancer la natalité, c’est restaurer la confiance dans l’avenir, dans le pays, dans l’idée même de civilisation. C’est là que tout commence. L’immigration choisie est un faux-semblant. Le seul choix responsable, c’est de reprendre en main notre destin. Sans excuses, sans faux-fuyants mais avec courage.
