Alors que le gouvernement français maintient son intention d’organiser les élections provinciales avant le 30 novembre 2025, le débat sur la composition du corps électoral continue de diviser les acteurs politiques calédoniens et métropolitains. Retour sur un dossier complexe aux enjeux constitutionnels et démocratiques.
Un scrutin sous tension
Lors d’une conférence de presse tenue après l’échec des négociations à l’hôtel Sheraton de Deva, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a confirmé que les élections se tiendraient avec le corps électoral actuel, dit « gelé » – une décision immédiatement contestée par les Loyalistes et le Rassemblement. Ces derniers s’appuient sur un avis du Conseil d’État daté du 23 décembre 2023, qui juge ce système contraire aux principes constitutionnels d’universalité et d’égalité du suffrage.
Interrogé récemment par le sénateur Georges Naturel, le ministre est resté évasif : « Les négociations vont se poursuivre« , a-t-il déclaré, évoquant la mise en place d’un Comité de Suivi. Pourtant, le nouveau Haut-Commissaire a annoncé la préparation active du scrutin, conformément aux instructions de Paris.
Un cadre juridique contesté
Le maintien du corps électoral gelé, instauré en 2007, pose plusieurs problèmes :
1. Exclusion progressive : Des résidents de longue date ou nés sur le territoire se voient privés du droit de vote.
2. Avis du Conseil d’État : L’institution estime que « l’ampleur des dérogations aux principes démocratiques ne fera que s’accroître avec le temps« .
3. Obstacle constitutionnel : Toute modification nécessiterait une révision de l’article 77 de la Constitution, bien que le Conseil d’État laisse entrevoir une possible intervention du législateur organique.
« Accepter ce gel reviendrait à condamner la Nouvelle-Calédonie à une sclérose démographique et politique« , analyse un juriste local.
Divisions politiques et incertitudes
La position du gouvernement français semble fragile :
– Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, avait lui-même qualifié ce système de « déni de démocratie » en 2007. Signera-t-il le décret de convocation ?
– Gérald Darmanin (Justice) et Sébastien Lecornu (Armées) ont historiquement défendu une ouverture du scrutin.
– À Paris, l’Assemblée nationale et le Sénat pourraient émettre des réserves, tandis que l’Élysée garde le silence.
« Si le gel est imposé, des recours juridiques paralyseront probablement le processus« , prévient un élu loyaliste.
Enjeux locaux et calendrier serré
Sur le terrain, les partis se préparent à une campagne mouvementée :
– Non-indépendantistes : Le procès des dirigeants de Calédonie Ensemble (Philippe Gomès, Philippe Michel) pourrait redistribuer les cartes.
– Indépendantistes : L’UNI et le FLNKS s’affronteront pour le contrôle des provinces Nord et Îles.
– Contexte économique : La crise financière et l’exode des habitants (dont des électeurs potentiels) ajoutent à l’instabilité.
Prochaines étapes :
– Publication des données du recensement (déterminant pour les listes électorales).
– Décision finale du gouvernement sur le corps électoral (gel ou ouverture à 10 ans glissants).
– Éventuels recours devant les tribunaux administratifs.
Alors que la machine électorale est en marche, les incertitudes juridiques et politiques risquent de transformer ce scrutin en véritable casse-tête institutionnel.