Un débat crucial émerge au sein des nations insulaires du Pacifique :
Comment protéger le kava, plante traditionnelle sacrée, tout en tirant parti de son potentiel économique croissant ?
Les Tonga appellent à des restrictions sur l’exportation du kava destiné à l’extraction (utilisé dans des poudres, capsules ou compléments alimentaires). Leur objectif : préserver la forme traditionnelle et culturelle de cette boisson, pilier de la vie sociale et spirituelle du Pacifique. Pour eux, le kava doit être consommé tel qu’il a toujours été – sous forme de boisson – et non transformé à des fins commerciales étrangères.
« Nous croyons en la consommation du kava, et non en sa transformation en extrait. Si les gens peuvent en faire ce qu’ils veulent, nous risquons de perdre l’essence de notre culture », ont-ils déclaré.
Un patrimoine à protéger… ou à faire évoluer ?
Cette position s’appuie sur une Déclaration sur l’origine et le lieu du kava du Pacifique, récemment signée. Ce texte vise à protéger les appellations comme « KAVA », « KAVA du Pacifique » ou « KAVA des îles du Pacifique », et à éviter leur utilisation abusive sur les marchés internationaux.
« Le kava n’est pas une simple marchandise. C’est un symbole de paix, de diplomatie, d’unité et d’identité », affirme la déclaration.
Mais tout le monde ne partage pas cette vision.
Vanuatu et Fidji : pour un équilibre entre culture et commerce
Les deux plus grands exportateurs de kava, Vanuatu et les Fidji, rejettent l’idée de restreindre les exportations destinées à l’extraction. Pour eux, les formes traditionnelles de consommation coexistent déjà avec les usages commerciaux – sans conflit.
Un membre de l’Association de l’industrie du kava du Vanuatu (VKIA) souligne :
« Nos cérémonies et notre culture du kava sont vivantes. Ce que font les acheteurs étrangers avec le produit n’a aucune incidence sur nos traditions. »
Leur argument est simple : l’extraction génère des revenus essentiels pour les petits producteurs locaux, et restreindre cette activité reviendrait à pénaliser des milliers de familles rurales.
« Si nous arrêtons la production d’extraits, les prix chuteront et les agriculteurs en souffriront », affirme la VKIA.
Un compromis en discussion : protéger le nom, pas bloquer l’innovation
Jonathan Naupa, exportateur de kava et représentant du Vanuatu, propose une solution intermédiaire : autoriser l’extraction, mais interdire l’utilisation du mot « kava » pour les produits transformés.
« Kava est notre nom. Kava est notre culture. Si vous le transformez, vous devez l’appeler autrement. »
Le cœur du débat : identité culturelle vs opportunité économique
Ce débat met en lumière la tension entre tradition et modernité, entre préservation culturelle et développement économique. Si les Tonga plaident pour la pureté des pratiques, Vanuatu et Fidji défendent une vision plus pragmatique, tournée vers l’avenir du marché international.
Alors que la demande mondiale de kava ne cesse de croître, les nations du Pacifique devront, ensemble, trouver un équilibre pour que ce patrimoine ancestral puisse s’épanouir sans se diluer.