Depuis les violences de mai, la Nouvelle-Calédonie est de nouveau projetée dans le regard inquiet de l’Hexagone. Mais ce qui aurait dû être une période d’apaisement et de reconstruction devient un théâtre d’expressions politiques nationales où les ambitions métropolitaines prennent le pas sur les réalités locales. Trois chefs de file de partis nationaux se sont récemment déplacés : une insoumise, un républicain, une nationaliste. Trois itinéraires, trois logiques, un point commun : la Nouvelle-Calédonie instrumentalisée.
La démocratie à géométrie variable
Depuis vingt ans, les Calédoniens se sont pliés aux règles du processus politique. Trois référendums ont été organisés, encadrés, validés. À chaque fois, le choix du maintien dans la République a été confirmé. Pourtant, ces résultats sont aujourd’hui balayés d’un revers de main par ceux qui refusent d’accepter les verdicts démocratiques. Pire : une partie des responsables politiques nationaux préfère désormais donner la parole à ceux qui bloquent, incendient ou sapent les institutions, plutôt qu’à ceux qui respectent la loi et œuvrent pour le vivre-ensemble.
Les postures parisiennes et le réel calédonien
Face à cela, les prises de position divergent. Il y a ceux qui veulent faire croire que le problème est purement économique. Ceux qui réduisent la crise à une affaire d’infrastructures, de frigos vides et de chantiers à relancer. Bien sûr que le développement est une priorité. Mais il ne pourra jamais se faire dans un cadre politique instable, ni sans confiance institutionnelle. L’économie sans sécurité, sans clarté sur les règles du jeu démocratique, c’est une illusion.
D’autres viennent expliquer que la réforme du corps électoral est un piège ou une provocation. Pourtant, la logique est simple : sur un territoire français, tout citoyen durablement installé devrait pouvoir voter. C’est un principe de base de la République, celui de l’égalité devant le suffrage. Le maintien d’un corps électoral figé entretient l’exclusion et la division.
Enfin, certains invoquent une pause, une suspension du temps, comme si le fait de différer les décisions allait calmer les tensions. Mais attendre, dans le contexte actuel, c’est laisser l’insécurité s’installer. C’est abandonner les familles calédoniennes qui n’osent plus sortir, les jeunes qui ne croient plus en rien, les élus locaux qui tiennent le pays debout au quotidien.
Le loyalisme n’est pas un blocage, c’est une exigence
Le loyalisme est trop souvent caricaturé. On le présente comme rigide, fermé, colonial. C’est faux. Le loyalisme, c’est le choix du cadre commun, de l’unité dans la diversité, du respect des engagements pris. Ce n’est pas un rejet de l’identité kanak ou des aspirations des uns et des autres. C’est la volonté de construire un avenir partagé, dans la République, mais en tenant compte des spécificités du territoire.
Ce qui est refusé, ce n’est pas le dialogue. C’est la logique du rapport de force. Ce sont les négociations menées dans l’ombre, les compromis sans contrepartie, les discours qui valident la violence comme mode d’expression politique.
Un nouvel accord, oui — mais pas à n’importe quel prix
L’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie devra être redéfini. C’est une évidence. Mais il ne pourra l’être ni sous la pression, ni dans la peur, ni au mépris des principes démocratiques les plus fondamentaux. Les Calédoniens veulent vivre en paix, travailler, éduquer leurs enfants, circuler librement. Ils veulent des institutions solides, justes, lisibles. Pas des arrangements fragiles, ni des promesses déconnectées du terrain.
La République ne peut pas céder face à ceux qui contestent ses règles tout en profitant de ses ressources. Elle doit garantir à chaque citoyen — qu’il soit kanak, caldoche, wallisien, métropolitain ou autre — la sécurité, la parole, et la place qu’il mérite.