Il est reparti comme il était arrivé : sans escorte, sans protocole, sans orgueil.
Son passage à Radio Rythme Bleu, avant son départ, a fait office de point final. Une synthèse sans faux-semblants, où il pose cette phrase décisive :
Leur monde est en train de s’effondrer.
L’échec de Valls, l’effondrement d’un récit
L’effet Descheemaeker ne vient pas de son verbe. Il vient de la coïncidence historique.
Il est arrivé alors que Manuel Valls échouait publiquement à imposer un accord illisible, fruit d’une méthode en fin de cycle. Ce que Descheemaeker révèle avec précision, c’est que l’Accord de Nouméa ne produit plus rien, sinon du blocage, de l’inquiétude et des formules vides.
Il le dit calmement :
Ce que nous vivons n’est pas un nouvel épisode. C’est l’étape ultime d’un processus qui a échoué.
Pour lui, le 13 mai 2024 n’est pas un accident, mais le signal d’alarme d’un système institutionnel à bout de souffle. Ce n’est pas la Nouvelle-Calédonie qui est en impasse : c’est la génération qui prétendait la réconcilier à force d’ambiguïtés.
Christnacht, Le Monde et l’école du désastre
Dans son interview, il cite Christnacht, France Culture, Le Monde, et leurs descendants idéologiques. Il ne les attaque pas, il les clôt.
C’est la génération du toujours moins de France. Celle de la haine de soi, de la repentance postcoloniale, et des illusions bien-pensantes. Elle nous laisse un champ de ruines.
En quelques mots, il acte la fin d’un cycle. Celui d’un anticolonialisme abstrait, parisien, déconnecté. Celui d’une génération socialo-mitterrandienne qui a cru que la paix viendrait en niant les attachements profonds, en flattant les discours les plus radicaux, et en évitant les mots qui fâchent.
Une parole politique sans mandat
L’effet Descheemaeker est donc culturel, générationnel, presque anthropologique. Il ne parle au nom de personne. Il n’appelle à aucun parti, ne réclame aucune investiture.
Mais il dit ce que beaucoup pensent sans oser le formuler :
Il n’y aura pas d’accord. Il faut changer de logiciel.
Dans un territoire saturé de dialogues feints, cette lucidité frappe comme une délivrance. Non parce qu’elle serait brutale, mais parce qu’elle est assumée. Elle ne cherche plus à sauver ce qui ne tient plus.
Une parole décolonisée
Le paradoxe, c’est qu’Éric Descheemaeker décolonise le dossier calédonien plus profondément que bien des figures qui se revendiquent de cette posture. Il dit :
Ce n’est pas à Nouméa dans un hôtel de luxe que ça doit se jouer. C’est un dossier national. Il faut le rapatrier à Paris.
Et plus encore :
Il faut un nouveau statut général de l’Outre-mer.
Autrement dit : la Calédonie n’est pas une exception. Elle est une question française.
Une parmi d’autres, mais une qui a été déformée par excès d’idéologie, de lâcheté, et d’ambiguïté constitutionnelle.
Une réhabilitation du réel
Ce qu’il propose, c’est simple : remettre les pieds sur terre.
- Réaffirmer que la souveraineté ne se partage pas.
- Constater que la citoyenneté calédonienne n’a pas de sens juridique durable.
- Dire que le corps électoral gelé est une anomalie intenable.
- Cesser de modifier la Constitution pour fuir les désaccords.
Vers un nouveau récit ?
En quittant le territoire, Descheemaeker laisse une porte ouverte :
Bien évidemment, je reviendrai.
Mais il laisse surtout un vide positif, une vacance dans laquelle une autre génération pourrait s’engouffrer.
Là est peut-être son vrai effet : il dégage l’horizon. Il rend possible une parole nouvelle, sans honte d’être française, sans haine d’être calédonienne, sans peur de dire que la paix passe aussi par la vérité.
Et cette vérité, il l’a dite. Sans costume, sans fonction, sans armée. Juste un micro. Et un pays qui, pour une fois, a tendu l’oreille.