ÉDITO
Touho, Dumbéa, Nouméa. Trois communes, trois scènes d’une violence extrême. Cette semaine en Nouvelle-Calédonie, la société a montré son visage le plus brut, entre violences tribales, incendies criminels et précarité rampante en pleine ville. Pendant ce temps, l’économie reste à l’agonie, les institutions bloquées. Et Paris repousse encore les discussions sur l’avenir du pays. Une chose est claire : la fracture est partout.
Une société au bord de l’implosion
Les images venues de Touho sont glaçantes. Affrontements intertribaux, fusils de chasse, blessés graves. Les autorités parlent de « différends coutumiers ». En réalité, c’est l’explosion d’un ordre local qui ne tient plus. La médiation coutumière est totalement inefficace.
À Dumbéa, c’est un autre drame. Un vieil homme retrouvé mort après un incendie volontaire. Deux jeunes incarcérés. Là aussi, la violence est devenue réponse ordinaire. Le tout, dans un climat d’impunité chronique.
Et à Nouméa, ce sont les poches de la misère qui parlent. Dans le centre-ville, les « pochons de la survie » vendus au forceps aux portes des commerces à l’agonie sont devenus une scène ordinaire du quotidien. La rue ne ment pas.
Une économie « convalescente »… à bout de souffle
Le mot utilisé par l’Institut de la statistique est élégant : « convalescente ». En réalité, c’est un coma économique. Le climat des affaires s’améliore à peine. Le chômage stagne à un niveau élevé. La consommation reste effondrée. Les aides ne suffisent plus. La relance piétine. La seule bonne nouvelle vient de Bruxelles : 5,5 milliards d’euros débloqués pour des projets liés aux métaux stratégiques — dont le nickel calédonien. Mais combien ? À quel prix, et pour qui ?
Localement, le gouvernement tente de sauver les meubles : exonérations pour les entreprises, aides à l’emploi, plans anti-vie chère… mais la mécanique est connue. Trop peu, trop lent. Les petits patrons n’y croient plus. Les salariés attendent les résultats. Et les jeunes partent.
L’avenir institutionnel… sans calendrier ni cap
Sur le front politique, c’est l’attentisme. Le dialogue entre l’État et les forces locales devait reprendre. Il est reporté. Encore. Ce sera pour « début juillet ». Mais avec qui ? Et pour dire quoi ? Sonia Backès dénonce un plan de Valls qui mènerait à l’abandon pur et simple de la Calédonie. Nicolas Metzdorf lui emboîte le pas. Le ton monte, mais le fond ne bouge pas.
Et pendant ce temps, le pays s’enfonce. Les barrages sont tombés, mais la confiance ne revient pas. L’insécurité perdure. L’économie ne redémarre pas. Et l’État, lui, se fait discret. Trop discret.
Une réalité : la fracture
Ce que montre cette semaine, c’est une certitude : la Nouvelle-Calédonie est fracturée.
Entre les tribus et les villes. Entre les jeunes perdus et les anciens abandonnés.
Ce n’est plus seulement une crise politique. C’est une rupture sociale. Un basculement silencieux.
Et si personne ne le prend au sérieux, ce pays risque bientôt de ne plus se relever.
Il n’y a pas de liberté sans ordre, pas d’ordre sans autorité. – Charles Pasqua