Taïwan, piège géant. Une guerre à Taïwan n’isolerait pas que Taipei. Elle couperait Tokyo et Manille du reste du monde.
Taïwan : verrou stratégique du Pacifique
Si Pékin prend Taïwan, c’est tout l’équilibre régional qui explose. L’île n’est pas seulement une démocratie menacée : elle est le cœur du dispositif géopolitique de l’Asie-Pacifique. Située au centre de la « première chaîne d’îles », entre les archipels japonais au nord et les Philippines au sud, elle agit comme un verrou maritime.
En cas de conflit, le Japon et les Philippines deviendraient les premières victimes indirectes d’une domination chinoise. Le détroit de Taïwan est traversé par 32 % des importations japonaises et 25 % de ses exportations. À cela s’ajoutent 95 % du pétrole brut japonais et la moitié du gaz naturel liquéfié mondial.
Une Chine maîtresse de Taïwan pourrait couper ces routes vitales, menaçant directement Kyushu, Okinawa, et les îles Senkaku. D’autant que Pékin revendique ces territoires comme partie intégrante de sa « province de Taïwan ». La menace ne serait plus théorique : elle deviendrait militaire.
Le piège géographique de Manille
Le cauchemar philippin se joue au nord : le détroit de Luçon. C’est l’un des rares corridors stratégiques où les sous-marins chinois et américains peuvent passer inaperçus. En cas de guerre, cette étroite bande d’eau deviendrait un théâtre central, et le volume de réfugiés attendus submergerait le pays.
Taïwan n’est qu’à quelques centaines de kilomètres de Luzon. Le président Marcos Jr. l’a reconnu : échapper au conflit serait « difficilement imaginable ». Militairement, l’armée philippine est en alerte. Des batteries anti-navires américaines seront déployées dans la zone durant l’exercice Balikatan 2025. Et le détroit de Luçon devient le nouveau point chaud de la stratégie indo-pacifique.
Sur le plan économique, les Philippines dépendent aussi des routes commerciales de cette zone : un cinquième de leurs importations, un septième de leurs exportations. Et aucune voie alternative ne pourrait être sécurisée en cas d’occupation chinoise de Taïwan.
Chine, conquête et projection de puissance
Pour Pékin, contrôler Taïwan, c’est transformer la barrière maritime en tremplin stratégique. Le détroit de Taïwan deviendrait un « lac intérieur ». Et l’armée chinoise pourrait projeter sa puissance jusqu’aux Ryukyu, aux Philippines et aux côtes japonaises.
La stratégie est claire : casser l’encerclement maritime américain, imposer une zone d’exclusion militaire, et créer un corridor vers le Pacifique. Taïwan est la clé pour briser l’ordre régional libre et ouvert, et imposer un modèle autoritaire dominé par Pékin.
Derrière l’enjeu militaire, il y a un bras de fer civilisationnel. Taïwan est la preuve vivante qu’une culture chinoise peut être démocratique. Et ça, Xi Jinping ne peut pas l’admettre. L’île devient un obstacle idéologique autant qu’un verrou géographique.
Un triangle stratégique sous pression
Dans cette équation, les États-Unis ne sont plus seuls en ligne de front. Le Japon et les Philippines jouent désormais leur souveraineté, pas seulement leur sécurité. Sans Taïwan, ils risquent d’être encerclés, isolés et contraints à la soumission diplomatique.
Ce n’est donc pas un conflit « lointain » : c’est une alerte vitale pour toute l’Asie libre. En renforçant leurs alliances et leurs capacités militaires, Tokyo et Manille envoient un signal : la guerre ne sera pas celle de l’Amérique seule.
Le compte à rebours est enclenché. Et c’est à Taïwan que se décidera l’avenir du Pacifique.