TRIBUNE. Une note* pour la Fondapol et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) révèle l’ampleur de l’immigration afghane en France, jusqu’à présent passée sous les radars.
Il est des phénomènes majeurs que personne n’a prédits et qui révèlent en pleine lumière les vulnérabilités de nos sociétés. À n’en pas douter, l’immigration afghane en France appartient à cette catégorie des événements imprévus de grande ampleur. Notre pays recensait 1 600 Afghans sur son sol en 2007 ; la diaspora afghane y est désormais forte d’au moins 100 000 personnes – soit une multiplication par soixante en moins de deux décennies.
Cet afflux n’a pas été déclenché par le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Il s’est engagé dès 2015, lorsque la chancelière allemande, Angela Merkel, a décidé de suspendre l’application des règles de Schengen et d’ouvrir largement ses frontières aux demandeurs d’asile – spécialement aux Syriens.
Cette décision a créé une fenêtre favorable aux migrations dans laquelle d’autres populations comme les Afghans ont pu s’engouffrer, mus par des considérations essentiellement économiques – le PIB par habitant de l’Afghanistan étant 100 fois inférieur à la moyenne de l’Union européenne.
Les Afghans ont été, entre 2018 et 2023, la principale nationalité des demandeurs d’asile en France
Les destinations privilégiées de ces Afghans ont d’abord été la Scandinavie et l’Allemagne. Ces pays ayant progressivement adopté des politiques de plus grande fermeté, la France est ensuite devenue un « pays de rebond » privilégié. Elle attire en raison de la générosité de son système de prise en charge, mais aussi parce que le taux d’acceptation de leurs dossiers y est sensiblement supérieur à celui de nos voisins européens : plus de 70 % des demandeurs d’asile en provenance d’Afghanistan obtiennent une décision favorable en France contre 40 % en Suède par exemple.
La formation de cette diaspora est quasi intégralement un résultat du droit d’asile. L’an dernier encore, 96 % des premiers titres de séjour accordés à des Afghans l’ont été pour motif humanitaire, contre… 0,2 % pour motif de travail. Les Afghans ont été, entre 2018 et 2023, la principale nationalité des demandeurs d’asile en France. Ils sont deux fois plus nombreux que les Syriens sur notre sol. Du fait des politiques de répartition des demandeurs d’asile mises en œuvre par l’État, on retrouve aujourd’hui des communautés afghanes non seulement à Paris et en Île-de-France, mais aussi dans un ensemble improbable de villes petites et moyennes comme Vannes, Colmar ou Aurillac.
L’immigration crée l’immigration
Environ 80 % des Afghans qui bénéficient de l’asile en France sont des hommes contre 20 % de femmes seulement – malgré leur situation dramatique dans leur pays d’origine. Plus de 40 % des Afghans pris en charge par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) après avoir obtenu l’asile n’ont jamais été scolarisés.
Un sur dix ne sait ni lire ni écrire sa propre langue. Près de 60 % des Afghans déclarent être sans emploi dix-huit mois après le début de leur programme d’intégration. Il est à craindre que nous ne soyons qu’au début du sujet. Comme le résume le démographe Gérard-François Dumont : « L’immigration crée l’immigration. » Au cours des deux dernières années, les regroupements familiaux concernant des Afghans ont doublé.
Ce cas est emblématique de la très grande fragilité migratoire qui pèse aujourd’hui sur la France et l’Europe, tout particulièrement du fait du droit d’asile – lequel prend aujourd’hui la forme d’un « droit opposable » à l’immigration, sans aucune limite quantitative ni aucun contrôle démocratique.
*L’étude sur « L’immigration afghane en France » de Didier Leschi, directeur général de l’Ofii, est téléchargeable gratuitement sur le site de la Fondapol et de l’OID.
Crédit photos : Hans Lucas via AFP / © Anna Margueritat