Le président de l’association Un cœur, une voix dénonce l’exclusion de 43 000 Calédoniens du vote provincial. Une parole ferme, argumentée, sans filtre.
Une parole rare dans le tumulte : celle d’un citoyen engagé
Raphaël Romano, président de l’association Un cœur, une voix, prend la parole, pour livrer un message sans détour : l’exclusion de 43 000 Calédoniens du corps électoral provincial est, selon lui, une aberration démocratique.
Dans une intervention directe, sans notes ni lecture, il revient sur les violences du 13 mai 2024, qu’il qualifie d’« insurrection instrumentalisée » par certains élus indépendantistes. Pour lui, le prétexte du dégel du corps électoral ne tient pas :
On a menti à la population. Le dégel a servi d’excuse à une minorité pour refuser le résultat des urnes.
« Le peuple s’est exprimé. On ne peut pas effacer trois référendums »
Le cœur du propos de Raphaël Romano, c’est le respect du choix démocratique. Il rappelle que trois référendums consécutifs ont confirmé la volonté majoritaire des Calédoniens de rester dans la République. Or, face à cette réalité, il déplore le silence, voire la complicité passive, de certains acteurs publics :
Trois fois, les Calédoniens ont dit non à l’indépendance. On ne peut pas s’asseoir là-dessus.
Il souligne un paradoxe criant : alors que des dizaines de milliers de citoyens travaillent, vivent et élèvent leurs enfants en Nouvelle-Calédonie, ils restent exclus du droit de vote local, sans avoir perdu leurs droits civiques.
43 000 exclus, 6 000 Kanak : un combat au nom de tous
La démarche de l’association Un cœur, une voix ne vise pas à servir un camp. R. Romano insiste sur le fait que les exclus du corps électoral ne sont ni tous loyalistes, ni tous kanakophobes, ni tous métropolitains. Parmi eux, plus de 6 000 Kanak.
On nous colle des étiquettes. Mais notre action concerne tout le monde. C’est un combat pour la démocratie, pas pour un parti.
Il dénonce une transmission quasi-héréditaire de l’exclusion politique :
Il y a des enfants nés ici, qui grandissent ici, mais parce que leurs parents sont exclus, eux aussi n’auront pas le droit de voter. C’est une forme de tare démocratique.
Deux QPC, une attente : que dit la Constitution ?
Deux Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC) ont été transmises, l’une par le Conseil d’État, l’autre par la Cour de cassation. Ces décisions, que Romano qualifie de « quasi miraculeuses », ouvrent enfin un débat au plus haut niveau :
L’épaisseur d’un papier à cigarette. C’était la probabilité qu’on avait. Ils l’ont fait.
La question est simple : est-il constitutionnel d’exclure durablement des citoyens français, non privés de leurs droits civiques, du vote aux élections provinciales ?
Pour Raphaël Romano, trois scénarios sont envisageables :
- Le Conseil constitutionnel confirme le gel actuel.
- Il rétablit le droit de vote à tous les citoyens français vivant sur le territoire.
- Il demande au gouvernement de réformer rapidement le dispositif, dans un délai de six mois, avec un nouveau critère : résidence de 5 ou 10 ans, ou autre formule glissante.
Quelle que soit l’issue, ce débat devait exister. Ce qui aurait été choquant, c’est qu’on refuse d’y répondre.
« Liberté, égalité, fraternité » : des principes à géométrie variable ?
Dans les derniers instants de son intervention, Raphaël Romano interroge les fondements mêmes de la République :
Comment peut-on se dire pays des droits de l’homme, terre de la République, et accepter que des citoyens soient exclus d’un scrutin qui détermine leur vie quotidienne ?
Il rappelle que le corps électoral glissant avait été accepté en 1999 pour des raisons politiques. Mais en 2007, le gel imposé, selon lui, par un accord politique, a franchi une ligne rouge :
Ce jour-là, les sages du Conseil constitutionnel ont dû faire abstraction de leurs principes. C’était d’une violence extrême.
« Ce n’est pas une faveur qu’on demande. C’est un droit »
À travers cette prise de parole forte, Raphaël Romano ne cherche pas l’émotion. Il revendique la légalité, l’égalité, et la clarté.
On ne demande pas de faveur. On demande simplement si c’est légal d’exclure 43 000 personnes qui n’ont rien fait, sauf être arrivées après une certaine date.
Dans une Nouvelle-Calédonie encore secouée, cette voix s’élève au nom de ceux qu’on n’entend jamais.
Le Conseil constitutionnel est saisi. La balle est désormais dans le camp des institutions.