L’Australie dénonce les manœuvres de Pékin dans le Pacifique. Un chantier d’aéroport financé par Canberra est présenté comme chinois.
Une “assistance chinoise” qui n’en est pas une
Sur l’île de Bougainville, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Chine est accusée de détourner la perception de projets multilatéraux. Un chantier de réhabilitation de piste à l’aéroport de Kieta-Aropa, financé par la Banque asiatique de développement (BAD) – elle-même largement soutenue par l’Australie et le Japon – est présenté localement comme une initiative 100 % chinoise. À l’inauguration, tous les symboles visibles portaient la marque de l’entreprise publique China Railway Construction Corporation (CRCC). Aucun mot sur la BAD.
Le ministre australien du Pacifique, Pat Conroy, dénonce un procédé récurrent :
“Ce n’est pas une aide chinoise. Une entreprise publique chinoise a juste remporté un appel d’offres. Le financement vient de la BAD… dont les principaux contributeurs sont le Japon et l’Australie.”
Conroy critique aussi le manque de transparence dans les appels d’offres et appelle à limiter le “branding nationalisé” des projets. Des réformes ont été promises par la BAD, selon Canberra.
Bougainville, enjeu stratégique dans la bataille d’influence
Au-delà du chantier d’aéroport, Bougainville devient un nouveau théâtre de confrontation géopolitique. L’île, qui prévoit une indépendance effective de la PNG d’ici au 1er septembre 2027, intéresse vivement les grandes puissances. Pour les États-Unis comme pour la Chine, le contrôle de cette zone à mi-chemin entre les Salomon et l’Australie est crucial.
La Fondation Heritage, influente dans l’entourage de Donald Trump, appelle Washington à saisir cette opportunité stratégique avant Pékin. Mais du côté de Bougainville, les voix locales sont partagées. Le vice-président Patrick Nisira rejette les accusations d’ingérence chinoise, estimant que l’absence d’alternatives sérieuses ces vingt dernières années justifie une ouverture vers les entreprises chinoises.
L’Australie, tout en se disant neutre, est souvent perçue comme alignée sur les positions de Port Moresby, ce qui alimente la méfiance à Bougainville. Le président Ishmael Toroama n’a pas hésité à accuser Canberra de “néo-colonialisme voilé” et à dénoncer une aide “boomerang”, plus avantageuse pour l’Australie que pour les insulaires.
Rivalités régionales et héritage colonial ravivé
Le différend révèle une tension plus large : la rivalité sino-occidentale dans le Pacifique s’intensifie, notamment après que trois pays de la région ont reconnu Pékin plutôt que Taipei depuis 2019. Des formations policières sont désormais assurées par la Chine aux Salomon, Kiribati, Fidji, Vanuatu et Samoa.
Mais c’est aussi l’histoire commune avec l’Australie qui refait surface. Jadis colonie australienne, Bougainville a connu une guerre civile sanglante, liée à l’exploitation minière par Rio Tinto. Canberra, accusée d’avoir soutenu militairement la PNG durant le conflit, tente aujourd’hui de jouer les médiateurs, mais ses efforts sont vus comme ambigus par la population.
Depuis l’accord de paix, l’Australie a investi plus de 51 millions de dollars à Bougainville, soit la plus grande part de son aide bilatérale à la PNG. Pourtant, ces efforts n’ont pas suffi à enrayer la montée de l’influence chinoise, souvent plus visible, plus rapide et plus “marquetée”.