Élue à l’issue d’un scrutin serré, Me Barbara Cauchois prendra en janvier 2026 les rênes de l’ordre des avocats de Nouméa, aux côtés de son vice-bâtonnier Me Maxime Guérin-Fleury.
Une gouvernance marquée par le retour d’une femme à la tête de l’ordre
Onze ans après la dernière élection d’une femme bâtonnier, le barreau de Nouméa tourne une page symbolique. Le scrutin de l’assemblée générale élective, qui s’est déroulé jeudi dernier, a désigné Me Barbara Cauchois à la tête de l’ordre des avocats. Elle succédera à Me Philippe Reuter à partir du 1er janvier 2026 pour un mandat de deux ans, accompagnée de Me Maxime Guérin-Fleury en tant que vice-bâtonnier.
La désignation de ce nouveau tandem s’inscrit dans un contexte de transition professionnelle, entre exigences de modernisation, transformations numériques et volonté de renforcer le lien entre avocats et société. Le binôme, élu à l’issue d’un vote serré, incarne aussi un renouvellement générationnel.
Inscrite au barreau de Nouméa depuis 2009, Barbara Cauchois a exercé à Aix-en-Provence avant de rejoindre la Nouvelle-Calédonie. Elle y fonde son propre cabinet en 2016, après un parcours parisien dans les meilleures facultés de droit. Elle devient ainsi la première femme bâtonnier depuis 2013, dans une profession encore largement dominée par les hommes aux postes de gouvernance.
Un rôle clé dans une justice en mutation
Le bâtonnier assure un rôle stratégique dans le fonctionnement du barreau : il représente les avocats auprès des juridictions, arbitre les litiges internes, veille au respect de la déontologie et agit comme médiateur entre les professions du droit. Dans un contexte de méfiance croissante vis-à-vis de la justice, cette fonction prend une dimension nouvelle : restaurer la confiance des citoyens et faciliter l’accès au droit.
À l’échelle locale, les défis sont nombreux. Le barreau de Nouméa devra poursuivre son engagement sur les dossiers structurels de la justice pénale. Parmi les chantiers majeurs : la construction d’un nouveau centre pénitentiaire pour remplacer le Camp-Est, une prison vétuste et surpeuplée qui suscite de plus en plus de recours judiciaires. La profession s’est régulièrement mobilisée sur ce sujet sensible, devenu emblématique des insuffisances de l’appareil judiciaire calédonien.
Dans l’attente de ce nouveau centre, dont l’ouverture n’est pas prévue avant 2030, une période transitoire s’impose. Les avocats devront continuer à intervenir sur des contentieux liés aux conditions de détention. En 2023, plusieurs centaines de recours ont été déposés, et les décisions favorables aux détenus sont en augmentation constante.
Relancer la formation carcérale et défendre Wallis-et-Futuna
Dans cette optique, le barreau souhaite réinvestir les établissements pénitentiaires en proposant une reprise des formations juridiques à destination des détenus. Ce dispositif, qui avait existé par le passé, permettrait à certains d’obtenir un diplôme en droit depuis leur lieu de détention. Une initiative perçue comme un levier concret de réinsertion dans un univers carcéral en difficulté.
Autre priorité : l’égalité d’accès au droit pour les habitants de Wallis-et-Futuna. Ce territoire, situé à plus de 2 000 km de la Nouvelle-Calédonie, ne bénéficie toujours pas d’un accès direct à des avocats. Les justiciables y sont défendus par des « citoyens défenseurs », sans formation juridique équivalente. Pour bénéficier de l’assistance d’un avocat calédonien, les habitants doivent prendre en charge tous les frais de déplacement, ce qui rend le droit inégalement accessible.
Une feuille de route orientée vers la pédagogie et la proximité
Avec 130 avocats inscrits, le barreau de Nouméa doit conjuguer professionnalisme, éthique et engagement citoyen. Le mandat à venir sera orienté vers la proximité avec les justiciables, la formation continue des avocats, et une pédagogie active du droit à l’heure des outils numériques. La transition avec l’équipe sortante s’organise dès à présent, pour assurer une prise de fonction fluide.
En élisant un tandem porté par une femme et une nouvelle génération d’avocats, les membres de l’ordre ont exprimé un besoin de renouvellement, mais aussi une volonté de continuité dans les combats essentiels. Entre les murs des tribunaux comme au cœur des quartiers éloignés du droit, le barreau de Nouméa entend affirmer sa place comme acteur de lien social et garant d’un droit accessible à tous.
Contexte historique
Le Barreau de Nouméa existe depuis la réforme du 31 décembre 1971, instaurant la profession d’avocat. La création officielle de l’Ordre des avocats de Nouvelle‑Calédonie a eu lieu en 1973, à la suite de la loi d’organisation locale
Depuis sa création, un bâtonnier est élu pour un mandat de deux ans. Sophie Briant (mandat 2014-2015) et Renée Reuter (mandat 1981-1983) parmi les rares femmes à avoir accédé à la fonction de bâtonnier du barreau de Nouméa, marquant chacune à leur manière l’histoire de la profession dans un univers longtemps dominé par les hommes.