Améliorer l’efficacité des institutions locales. Mesurer les résultats des politiques publiques. Rendre des comptes aux citoyens.
Telle est la triple ambition du Conseil économique, social et environnemental de Nouvelle-Calédonie (CESE-NC), qui préconise la mise en place d’un cadre juridique contraignant pour l’évaluation des politiques publiques (EPP).
L’évaluation des politiques publiques, une exigence née de l’État moderne
Née dans les années 1960 aux États-Unis, sous l’impulsion des grands programmes sociaux de la présidence Johnson, l’évaluation des politiques publiques s’est imposée comme un outil central de la modernisation de l’État. D’abord conçue comme une méthode permettant de mesurer l’efficacité de l’action publique, elle s’est progressivement diffusée dans les pays de l’OCDE, portée par les exigences croissantes de transparence, de performance et de responsabilité. En France, cette culture de l’évaluation commence à émerger au tournant des années 1980. Sous l’impulsion de hauts fonctionnaires et d’intellectuels comme Pierre Rosanvallon, les premiers dispositifs se mettent en place au sein du Commissariat général du Plan, avant d’être renforcés par des initiatives législatives.
Depuis, revues de dépenses, audits, indicateurs d’impact et dispositifs parlementaires d’évaluation se multiplient, traduisant une volonté de mieux piloter les politiques publiques, mais aussi d’en rendre compte devant les citoyens. Une tendance qui gagne désormais les collectivités locales et les territoires ultramarins, à l’image de la Nouvelle-Calédonie, où un cadre légal spécifique est en cours de préparation.
Vers une culture des résultats
Le 27 juin 2025, le CESE-NC a transmis au Congrès de la Nouvelle-Calédonie un avis stratégique appelant à institutionnaliser cette pratique, encore peu développée dans l’archipel.
L’institution recommande l’adoption d’une délibération à valeur législative, qui fixerait les règles directrices pour l’ensemble des institutions locales. Ce texte encadrerait les finalités, les méthodes, les délais et les responsabilités liées à chaque évaluation.
Toutes les grandes politiques publiques — éducation, santé, emploi, aménagement, environnement — seraient concernées. Chaque programme devrait être accompagné d’indicateurs mesurables, analysés selon une méthode rigoureuse. Un calendrier d’évaluation obligatoire serait fixé pour chaque mandat.
Le texte recommande également la création d’une structure référente, chargée de piloter, d’accompagner et de contrôler les évaluations. Cette entité pourrait être rattachée au gouvernement ou fonctionner de manière autonome, mais son rôle serait décisif : garantir la qualité, l’indépendance et l’utilité des analyses menées.
Plus de clarté, plus de responsabilité
Autre pilier du dispositif : la publicité des résultats. Chaque évaluation serait rendue publique, débattue au Congrès, et pourrait déboucher sur des ajustements politiques ou budgétaires. Le CESE insiste : la confiance dans les institutions passe par la preuve, non par la communication.
Dans un contexte marqué par les tensions politiques et les doutes sur l’efficacité publique, cette réforme pourrait devenir un levier démocratique autant qu’un outil technique. Elle constituerait une avancée majeure pour la Nouvelle-Calédonie, où la défiance citoyenne s’est accentuée après les émeutes de mai 2024.
Un vote attendu au Congrès
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie est désormais saisi. S’il adopte la délibération recommandée, le territoire franchira un cap vers une gestion plus transparente et plus responsable. Une réforme discrète en apparence, mais potentiellement déterminante pour la qualité de la vie démocratique.
Dans une Nouvelle-Calédonie encore marquée par les tensions post-crise, l’enjeu est clair : doter les institutions d’un outil de pilotage fiable, capable de mesurer objectivement les résultats des politiques menées. Derrière la technicité apparente, c’est bien une exigence démocratique qui s’exprime : plus de lisibilité, plus de redevabilité, plus d’efficacité.