Taïwan : une île minuscule, un empire technologique colossal
Plus de 90 % des puces les plus avancées sont fabriquées sur une seule île : Taïwan. Ce minuscule territoire, aux portes de la Chine, est devenu le cœur battant du numérique mondial. Derrière cette domination : une entreprise, TSMC, devenue en quelques années l’alpha et l’oméga du secteur. Elle seule maîtrise aujourd’hui la production industrielle de semi-conducteurs en 3 nanomètres, et prépare déjà la génération 2 nm.
En 2025, le chiffre d’affaires trimestriel de TSMC a bondi de 35 %, atteignant 25,5 milliards de dollars. Les perspectives ? Une croissance annuelle de 25 %, tirée par l’explosion de la demande en puces IA. ChatGPT, Nvidia, Apple, Tesla : tous dépendent directement de Taïwan pour tourner à plein régime.
Taïwan contrôle aujourd’hui 60 % du marché mondial des semi-conducteurs, et 92 % des puces les plus avancées. Le monde connecté — smartphones, satellites, centres de données, armements, intelligence artificielle — repose littéralement sur les chaînes de production de cette île volcanique de 36 000 km². Une dépendance totale, potentiellement fatale.
Course mondiale à la souveraineté : mais qui rattrapera Taïwan ?
Face à cette hégémonie, les grandes puissances se réarment. Les États-Unis ont lancé leur « CHIPS Act » et investi plus de 100 milliards de dollars dans trois nouvelles usines de TSMC en Arizona, censées démarrer la production 2 nm dès 2028. L’Europe s’organise autour d’un méga-projet à Dresde, avec TSMC, Bosch, Infineon et NXP. Et un centre de conception vient d’ouvrir à Munich pour doper les capacités locales.
Mais cette course ressemble à une fuite en avant. Car les technologies de lithographie extrême (EUV), les capacités humaines, l’écosystème fournisseur et la culture d’ingénierie extrême restent, pour l’instant, irremplaçables à Taïwan. Samsung, Intel ou SMIC (Chine) tentent de suivre, mais restent plusieurs générations technologiques derrière.
Le paradoxe est cruel : plus le monde cherche à s’affranchir de Taïwan, plus il en dépend dans l’immédiat. Et cette tension est visible partout : restrictions américaines sur les exportations vers la Chine, sanctions croisées, pressions sur TSMC. La puce est devenue une arme géopolitique.
L’ombre de la Chine et le vertige stratégique occidental
Une invasion de Taïwan serait un cataclysme global. Si Pékin prenait le contrôle des fabs de TSMC, c’est toute l’économie mondiale qui vacillerait. Selon plusieurs experts, une telle crise entraînerait des pénuries massives dans l’automobile, la défense, la tech et l’énergie. Les pertes se compteraient en milliers de milliards.
Washington le sait. Pékin aussi. C’est pourquoi la pression militaire et diplomatique monte chaque mois dans le détroit de Taïwan. Et pendant que la Chine augmente ses capacités de production via SMIC, Taïwan restreint ses exportations vers Huawei ou ses filiales.
En parallèle, les marchés s’emballent. L’action TSMC a vu son objectif de prix relevé de 225 à 270 $, portée par l’essor de l’intelligence artificielle. Les revenus issus de l’IA sont estimés à 90 milliards de dollars d’ici 2029. Les ETF semi-conducteurs, comme iShares ou VanEck, explosent. Résultat : le secteur tout entier est devenu un levier stratégique à surveiller de très près, dans un monde où le numérique devient le nerf de la guerre.
Taïwan n’est pas seulement au centre de la carte géopolitique asiatique. Elle est le maillon central d’un système numérique mondial qui ne peut pas se passer d’elle. Jusqu’à quand ? Personne ne le sait. Mais le prochain conflit mondial pourrait bien se jouer… à 3 nanomètres près.