L’effondrement des recettes fiscales atteint près de 33 milliards de francs CFP, soit une baisse de 16 % par rapport à 2023. L’impôt sur les sociétés chute brutalement, reflet de l’arrêt brutal de l’activité économique. Les droits de douane plongent à leur tour, conséquence directe de la baisse des importations. Le marché de l’immobilier, en grande difficulté, entraîne lui aussi une baisse significative des droits d’enregistrement. Aucun levier fiscal n’a été épargné.
Les trois budgets fondamentaux du pays ont été durement frappés :
Le budget de reversement perd près de 9,2 milliards de francs CFP.
Le budget de répartition voit ses dotations baisser de 25 %.
Seul le budget propre parvient à dégager un excédent, 2,2 milliards CFP, exclusivement grâce au soutien financier de l’État.
Mais après déduction des restes à réaliser 1,5 milliard de francs à la charge du gouvernement , le constat est clair : la soutenabilité des finances publiques calédoniennes est gravement compromise.
Une unanimité politique sur fond d’inquiétude
Dans l’hémicycle, l’ensemble des groupes politiques ont voté les comptes administratifs à l’unanimité un fait rare, à souligner. Mais cet accord masque des inquiétudes divergentes sur la suite à donner.
Côté indépendantiste, l’UC-FLNKS et Nationalistes, par la voix de son président de groupe, Pierre-Chanel Tutugoro, a salué une « gestion rigoureuse en pleine tempête ». Selon lui, les documents budgétaires examinés ce lundi « sont le miroir d’une gestion de crise efficace » et témoignent de la capacité de la Nouvelle-Calédonie à tenir malgré les chocs. Il appelle toutefois à tirer les leçons de 2024, en particulier sur la fragilité des bases fiscales du pays.
Face à lui, l’intergroupe loyaliste, lui aussi favorable à l’adoption des comptes, insiste sur les conséquences différées de la crise. Philippe Blaise, membre du groupe « Les Loyalistes », met en garde :
Nous n’avons pas encore mesuré l’impact de tous ceux qui ont quitté le territoire, qui ne paieront plus l’impôt sur le revenu, ni celui des entreprises détruites qui ne généreront plus d’impôt sur les sociétés.
Il appelle à deux mesures d’urgence :
Des réformes structurelles courageuses, pour réduire le poids de la dépense publique ;
Un message politique d’apaisement, pour rétablir la confiance des investisseurs et des entrepreneurs.
Une dette publique sous haute surveillance
La séance publique du Congrès a également permis de faire le point sur l’endettement. En 2024, le taux d’endettement de la Nouvelle-Calédonie atteint 320 %, un record inquiétant. Cette explosion est directement liée aux emprunts contractés pour faire face aux urgences post-émeutes.
C’est dans ce contexte tendu que Thierry Santa, membre du gouvernement en charge du budget, tente de piloter un rééquilibrage global des finances publiques. Il a lancé, depuis un mois, un séminaire de travail pour élaborer une délibération-cadre intégrant les réformes structurelles indispensables à la stabilisation économique du pays :
Cette baisse des recettes fiscales affecte aussi tous nos budgets sociaux, déjà en grande difficulté. Il faut remettre à plat notre modèle budgétaire, pas seulement pour équilibrer les comptes, mais pour assurer la pérennité de notre système solidaire.
Un travail de fond engagé, mais qui devra rapidement se traduire en actes, alors que l’année 2025 s’annonce tout aussi délicate, entre incertitudes politiques et relance fragile.
En parvenant à clore l’exercice 2024 sur un équilibre fragile, la Nouvelle-Calédonie évite de justesse le décrochage. Mais derrière la prouesse comptable, l’archipel reste sous perfusion de l’État et au bord de la rupture. L’heure n’est plus aux constats, mais aux réformes.