TEMPÊTE. Réunie autour du président de la République, la classe politique calédonienne cherche une sortie de crise, et les premières discussions ne présagent aucun compromis.

Macron réussira-t-il là où Manuels Valls a échoué ? Convoqués à l’Élysée pour un dernier round de négociations, indépendantistes et loyalistes tentent de trouver une solution pour sortir l’archipel de la grave crise institutionnelle qu’il traverse. « Une der des ders », confie l’un des participants, alors que l’ombre d’un regain de tension plane sur une Nouvelle-Calédonie ruinée et toujours pas remise du traumatisme de mai 2024.
C’était il y a un an. L’Élysée annonçait vouloir dégeler le corps électoral de l’archipel et permettre à un cinquième des Calédoniens, privés de la possibilité de voter, de pouvoir exercer leur droit. Un casus belli pour les indépendantistes, poussés à la révolte par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). La crise politique débouchera sur trois mois d’émeutes au bilan très lourd : quatorze morts, dont deux gendarmes et douze civils, plusieurs centaines de blessés et près de 2 milliards d’euros de dégâts.
C’est cette plaie béante que le chef de l’État rêve de refermer. Et comme pansement, Macron veut arracher aux délégations un accord de compromis, quitte à faire durer les discussions.
Je ne vous lâcherai pas !
promettait jeudi le président à des représentants du camp loyaliste.
L’Élysée nous a réservé des chambres d’hôtel jusqu’à lundi soir, mais je crains que le dénouement ne puisse arriver que dans trois semaines
confie un négociateur. Car indépendantistes et loyalistes s’opposent sur tout ou presque.
Les premiers, confortés par la proposition formulée en mai dernier par Manuel Valls, ministre des Outre-Mer, réclament le principe d’indépendance-association comme prérequis à tout accord, là où les seconds y voient la fin de la souveraineté française sur le territoire du Pacifique. Des positions qui semblent irréconciliables.
Le président a acté la légalité des trois référendums sur l’indépendance, où le non l’a emporté à chaque fois
assure l’entourage de Sonia Backès, figure de proue du camp loyaliste et présidente de la province Sud.
Il s’agit donc de respecter la démocratie et la volonté populaire des Calédoniens. Il n’y a pas de salut sans la France !
Emmanuel Macron souffle le chaud et le froid
Vers un État-associé ?
Mais Macron semble souffler le chaud et le froid. Jeudi, le journal Le Monde titrait : « Nouvelle-Calédonie : Emmanuel Macron prône un accord transitoire vers un État-associé. » Le président aurait-il fait son choix ? « Un article mensonger, assure un cadre de Renaissance, écrit par une journaliste qui veut faire de ses désirs une réalité. » Reste qu’Emmanuel Macron a bien évoqué un « accord transitoire » de quinze à vingt ans pour stabiliser la région et dont l’issue, entre autres options, pourrait être cet « État associé ». Une dénomination différente de celle de Valls, qui parlait, lui, de « souveraineté avec la France », mais qui, dans le fond, en est bien peu éloignée.
Si le président s’est emparé du dossier, c’est justement pour ne pas répéter les erreurs de Manuel Valls
glisse un ponte du camp loyaliste.
C’est nous qui avons demandé au chef de l’État de prendre la relève, nous espérons qu’il prendra un chemin différent du ministre des Outre-Mer.
En mai dernier, Manuel Valls avait suscité l’ire des loyalistes en proposant le principe d’indépendance-association aux délégations calédoniennes. D’après nos informations, le ministre avait surpris jusque dans son propre gouvernement en n’informant ni Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, ni Sébastien Lecornu, ministre des Armées, de sa volonté d’acter la future indépendance de l’archipel.
Un comble quand on sait que plus de 2 000 militaires français sont stationnés dans l’île
s’indigne une source à Balard. En attendant d’éventuelles avancées, les acteurs économiques calédoniens appellent pour leur part à des mesures d’urgence.
Le chômage a explosé, la consommation des ménages a baissé de 12 %, de nombreux chefs d’entreprise sont partis. Si l’on ne fait rien, la Nouvelle-Calédonie ne se relèvera pas
alerte Mimsy Daly, la présidente du Medef local, qui prévient « qu’aucun accord politique ne peut émerger sans accord économique ».
Le chemin promet d’être long et sinueux avant de déboucher sur un quelconque compromis. Et le pas de deux qu’engage le président de la République avec les indépendantistes et les partisans de la France ne peut éclipser la question centrale : la Nouvelle-Calédonie finira-t-elle par échapper à la souveraineté française ?