Le rapport d’information présenté le 2 juillet 2025 par le sénateur de la Vienne Bruno Belin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurités », lève le voile sur une réalité peu connue mais capitale : celle des unités d’élite de la gendarmerie et de la police nationales. RAID, GIGN et BRI-PP forment un triptyque opérationnel vital au maintien de l’ordre et à la gestion des crises majeures. Derrière leur réputation d’excellence se cache pourtant un système en tension, tiraillé entre montée en puissance et lacunes structurelles persistantes.
Une complémentarité rodée, une efficacité reconnue
Ces unités d’intervention, souvent mobilisées en dernier recours lors de situations extrêmes (terrorisme, forcenés armés, interpellations à haut risque), jouent un rôle-clé dans le continuum de sécurité intérieure. Chacune possède un ancrage propre : le RAID intervient en zone police, le GIGN en zone gendarmerie, et la BRI-PP se concentre sur Paris et la petite couronne. Un maillage national a été renforcé par la création d’antennes territoriales, notamment après les vagues d’attentats entre 2012 et 2016.
Sur le terrain, l’efficacité est au rendez-vous : le GIGN a vu ses missions de protection augmenter de 285 % entre 2019 et 2024, et celles d’interpellation de 332 %. Le RAID, quant à lui, a connu une hausse de 43 % de son activité sur la même période. La BRI-PP, plus stable, maintient un haut niveau d’expertise dans le domaine judiciaire et les interventions de crise.
Des moyens en hausse, mais encore insuffisants
Avec 200 millions d’euros ( 24 000 000 000 XPF) de crédits (pensions comprises) en 2024, les trois unités disposent de budgets bien supérieurs à la moyenne. Mais ce niveau de financement reste en inadéquation avec l’intensification des missions, la vétusté de certains équipements et les contraintes spécifiques de fonctionnement.
Les difficultés sont concrètes : véhicules usés, protections balistiques inaccessibles faute de procédures adaptées, locaux inadaptés, et forte tension sur les effectifs, notamment dans les antennes régionales. À titre d’exemple, le GIGN rassemble environ 1 000 personnels, contre 500 pour le RAID et un peu plus d’une centaine pour la BRI-PP. Ces déséquilibres rendent la gestion opérationnelle délicate, d’autant que certaines missions, comme les Jeux olympiques ou les opérations à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, ont nécessité un engagement exceptionnel en 2024.
Sept recommandations pour éviter l’impasse
Face à ce constat, le rapporteur appelle à une série de mesures urgentes : renforcer les effectifs territoriaux, faciliter l’accès aux équipements spécialisés, revoir les modalités de passation des marchés, et garantir un niveau d’investissement immobilier suffisant. Il préconise également de faire davantage appel aux réservistes et d’exempter les véhicules des unités du malus écologique, jugé contre-productif au regard de leurs spécificités.
Enfin, le rapport souligne un angle mort préoccupant : l’absence d’antennes RAID ou GIGN dans certains territoires ultramarins, alors même qu’ils ont été le théâtre d’opérations majeures. Il appelle donc à garantir une capacité logistique de projection rapide vers ces zones.
Si le professionnalisme des unités d’élite françaises ne fait aucun doute, leur capacité à maintenir ce niveau d’excellence dans la durée dépendra d’un soutien politique clair. Car l’enjeu n’est pas seulement budgétaire : il est stratégique, à l’heure où la menace terroriste, la criminalité organisée et les crises internes réclament une réponse toujours plus rapide, plus agile, et plus résiliente.