Le rapport 2024 de l’IEOM révèle l’ampleur des fragilités économiques du territoire, encore aggravées par les émeutes de mai. Une situation plus critique que dans les autres Outre-mer.
L’économie calédonienne au bord de la rupture
Le rapport annuel 2024 de l’Institut d’émission d’Outre-mer (IEOM) confirme ce que beaucoup pressentaient : la Nouvelle-Calédonie traverse une crise profonde, sans équivalent dans les autres collectivités françaises du Pacifique.
L’indicateur du climat des affaires (ICA) y a connu une chute brutale, du jamais vu depuis la crise sanitaire. La dégradation est telle qu’elle dépasse de loin celle enregistrée à Wallis-et-Futuna ou en Polynésie française, où l’activité reste globalement résiliente.
Les causes sont connues : effondrement du nickel, instabilité institutionnelle, et surtout les violences de mai 2024, qui ont mis à terre une partie du tissu économique local.
Malgré tout, le nombre de défaillances d’entreprises a baissé de 35 % en 2024. Mais ce chiffre cache une réalité : ce recul est artificiel, lié aux aides d’urgence accordées après les émeutes. La reprise, elle, est loin d’être engagée.
Des chiffres sociaux préoccupants, bien au-delà de la métropole
La fracture sociale calédonienne apparaît aussi dans toute sa brutalité.
Avec un taux de pauvreté de 24,8 %, la Nouvelle-Calédonie dépasse de très loin la métropole (14,4 %), mais aussi la Polynésie (20 %) et Wallis-et-Futuna (22,5 % selon les dernières estimations).
L’indice de Gini, qui mesure les inégalités, atteint 0,39 : là encore, la Nouvelle-Calédonie est l’un des territoires les plus inégalitaires de la République.
Côté santé, la densité médicale recule : seulement 126 médecins généralistes pour 100 000 habitants. En comparaison, la Polynésie française en compte près de 140. L’écart se creuse.
Même constat côté entreprises : les retards de paiement explosent. En 2022, les délais fournisseurs atteignaient 45,5 jours, au-dessus de la limite légale de 30 jours, et plus élevés qu’en Polynésie ou à Wallis.
Une balance des paiements dans le rouge, des investissements en chute libre
Sur le plan macroéconomique, l’IEOM dresse un tableau tout aussi sombre.
La balance des paiements calédonienne affiche un déficit courant de 53,9 milliards F CFP, contre 20 milliards à Wallis ou 15 milliards en Polynésie. Si les services (notamment le tourisme) s’améliorent légèrement, les exportations chutent, tirées vers le bas par la crise du nickel.
Les investissements directs étrangers — notamment dans l’industrie métallurgique — ont jusque-là amorti le choc. Mais ils sont en recul, et l’IEOM anticipe un désengagement progressif des partenaires internationaux.
Enfin, le rapport révèle un épisode sans précédent : l’agence IEOM de Nouméa a dû fermer temporairement après les émeutes, un cas unique parmi les Outre-mer français. Une ligne de refinancement à taux zéro de 196 millions d’euros a été mise en place pour permettre aux assureurs d’indemniser les entreprises sinistrées. Là encore, une mesure exceptionnelle que ni la Polynésie ni Wallis n’ont eu à déclencher.
Une urgence calédonienne
Ce rapport 2024 de l’IEOM agit comme un électrochoc. Tous les indicateurs sont dans le rouge, et la Nouvelle-Calédonie s’enfonce dans une crise multidimensionnelle. Sociale, économique, institutionnelle.
Le contraste est saisissant avec les autres Outre-mer, dont les trajectoires sont plus stables. À l’heure où se joue l’avenir institutionnel du territoire, ce document rappelle une vérité brute : sans rétablissement de l’ordre, sans stabilité politique, il n’y aura pas de redressement économique.