Un an après les législatives anticipées de 2024, Emmanuel Macron retrouve le droit de dissoudre l’Assemblée nationale. Une option constitutionnelle à haut risque, dans un paysage politique totalement fracturé.
Une Assemblée figée, un exécutif fragilisé
Depuis le scrutin de juin 2024, consécutif à la déroute des macronistes aux européennes, le palais Bourbon reste figé dans une configuration inédite. Trois blocs antagonistes – gauche, centre et extrême droite – s’y neutralisent, sans qu’aucun ne puisse revendiquer une majorité de gouvernement. En douze mois, aucune réforme structurante n’a vu le jour. L’exécutif, dirigé par François Bayrou, agit au coup par coup, sous la menace constante d’une motion de censure.
Le calendrier budgétaire, dès l’automne, s’annonce comme un point de bascule. Le projet de loi de finances devrait mettre à rude épreuve la cohésion, déjà fragile, de la majorité relative. En cas de rejet, une deuxième motion de censure en moins d’un an pourrait faire tomber le gouvernement – et contraindre, de fait, le président à dissoudre. L’hypothèse redevient donc constitutionnellement possible, l’article 12 ayant suspendu cette faculté pendant un an après les législatives anticipées.
Dissolution : une arme à double tranchant
À l’Élysée, l’idée d’un nouveau retour aux urnes n’est pas écartée, mais elle est envisagée avec la plus grande prudence. Une dissolution pourrait certes relégitimer le chef de l’État s’il en sortait renforcé. Mais les enquêtes d’opinion indiquent qu’elle ne clarifierait pas davantage la donne politique actuelle. Au contraire, elle pourrait confirmer ou amplifier l’avance du Rassemblement national, sans pour autant lui garantir une majorité.
Dans cette configuration, Emmanuel Macron pourrait se retrouver contraint de nommer un Premier ministre issu du RN, comme Jordan Bardella. L’union des droites pourrait enfin prendre forme, concrétisant un vieux projet porté dès les années Sarkozy par Patrick Buisson et repris par certains ténors de la droite, comme Bruno Retailleau, Jordan Bardella ou Sarah Knafo. Une union, plébiscitée par les militants du RN et de Reconquête, à l’image des coalitions victorieuses ailleurs en Europe, comme en Suède ou en Italie. À cela s’ajoute le risque politique ultime : un nouvel échec électoral pourrait nourrir les appels à la démission du président.
Une classe politique en état de latence
À moins de deux ans de la présidentielle de 2027 et à moins d’un an des municipales, l’ensemble des partis se préparent surtout aux échéances futures, dans un climat d’attentisme tendu. À gauche, les tractations sont encore embryonnaires, faute de leadership reconnu et de programme commun. Au centre, les rangs macronistes sont ébranlés et sans dynamique. Quant à la droite traditionnelle, elle peine à se relever de son effacement électoral.
Pour le chef de l’État, chaque jour qui passe accentue son isolement stratégique. L’opinion, partagée, n’offre pas de levier clair : la moitié des Français souhaitent une nouvelle dissolution, selon l’Ifop, tandis qu’une majorité souhaite également la chute du gouvernement. L’impasse est donc autant institutionnelle que démocratique. Cette paralysie politique prolongée rejaillit aussi sur les dossiers ultramarins, notamment en Nouvelle-Calédonie, où l’incertitude institutionnelle freine les négociations sur l’avenir du territoire et retarde les investissements de l’État.
Un an après sa décision surprise de dissoudre l’Assemblée, Emmanuel Macron se retrouve dans un piège qu’il a lui-même amorcé. La promesse d’un sursaut politique s’est transformée en une crise de régime larvée, où le président semble gouverner à la fois sans majorité, sans horizon législatif et sans alternative crédible. Le spectre d’un second recours à l’article 12 hante désormais la scène politique française, dans une ambiance de défiance généralisée.