À Bougival, les négociations sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie se poursuivent dans le plus grand secret. Objectif : un accord définitif d’ici vendredi.
À Bougival, le sommet calédonien joue les prolongations
Une semaine après leur lancement, les négociations sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie se poursuivent, loin des caméras, dans un hôtel de Bougival (Yvelines). Initialement prévues pour se clore lundi soir, ces discussions sont prolongées jusqu’à vendredi, signe que les divergences politiques persistent malgré l’intense pression du calendrier imposé par l’Élysée.
Derrière les murs de ce huis clos, indépendantistes, loyalistes et représentants de l’État explorent les contours d’un accord définitif, sans phase transitoire, comme souhaité par Emmanuel Macron. Le chef de l’État a posé un cadre clair : fonder l’avenir institutionnel calédonien sur les résultats des trois référendums passés, qu’il considère désormais comme juridiquement et politiquement validés.
Depuis jeudi dernier, les échanges se déroulent sous différents formats, dans un climat marqué par une exigence absolue de discrétion. En coulisses, Patrice Faure, ancien haut-commissaire devenu directeur de cabinet du président, joue un rôle central dans la coordination. Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, n’assiste pas à toutes les séquences, mais ses équipes restent en soutien rapproché.
Premiers compromis, comités restreints et tensions contenues
Ce lundi, une réunion plénière a finalement réuni l’ensemble des parties : représentants de l’État, loyalistes et indépendantistes. Mais elle a débuté avec retard, la journée ayant été largement monopolisée par des discussions internes entre forces politiques calédoniennes, loin des représentants de l’État. En parallèle, deux comités restreints ont été constitués, l’un chargé du pilier politique, l’autre des dossiers socio-économiques, avec une attention particulière portée à la filière nickel, secteur stratégique et sensible.
Les débats sont désormais alimentés par un document de synthèse transmis vendredi, et résumant le projet présidentiel. Ce texte sert de base de travail pour les compromis à construire. Mais aucune information ne filtre sur le contenu précis des échanges, les délégations ayant reçu pour consigne de ne rien divulguer afin de préserver le fragile équilibre des discussions.
Dimanche soir déjà, un premier échange avait réuni les différentes forces locales sans Philippe Gomès ni les représentants de l’État. L’Éveil océanien, partenaire souvent décisif dans les équilibres institutionnels, était bien présent, confirmant son rôle pivot. Selon plusieurs sources, l’Élysée espère toujours une issue positive d’ici la fin de la semaine, mais les lignes bougent lentement.
Vers un accord définitif ou un nouvel échec ?
Pour les participants, l’heure est aux arbitrages cruciaux. Faut-il aller vers un modèle d’État fédéral, comme le suggèrent certains textes en préparation ? Jusqu’où aller dans le partage de souveraineté ? Comment relancer la machine économique calédonienne, notamment dans un secteur du nickel exsangue ? Et surtout, comment garantir une paix durable entre des communautés aujourd’hui polarisées par des décennies d’histoire coloniale et d’accords successifs ?
Emmanuel Macron mise sur un accord “historique”, capable de clore définitivement le cycle ouvert par l’Accord de Nouméa. Mais en l’absence d’une transition, le risque d’un déséquilibre immédiat est réel. Les élus locaux en sont conscients, tout comme les émissaires de l’État. La moindre concession mal calibrée pourrait faire voler en éclats le fragile édifice, alors que la société calédonienne reste profondément divisée, notamment après les émeutes de mai dernier.
Pour l’heure, le silence est la règle, mais une chose est certaine : cette semaine à Bougival pourrait redessiner pour des décennies l’avenir institutionnel et économique de la Nouvelle-Calédonie. En cas d’accord, un texte de projet de loi constitutionnelle pourrait rapidement être soumis à consultation, voire présenté au Parlement dès l’automne. À défaut, c’est l’incertitude institutionnelle qui continuerait de régner sur l’archipel.