Depuis les émeutes de mai 2024, une nouvelle tendance inquiétante s’installe : des établissements scolaires sont visés par des incendies criminels à répétition, souvent la nuit, souvent sans coupables immédiatement identifiés. Loin d’être des faits isolés, ces incendies semblent s’ancrer dans un climat de tensions post-émeutes, où l’école devient un symbole d’ordre à abattre.
Une vague d’incendies ciblant les écoles depuis les émeutes de 2024
Dans la nuit du 15 au 16 juin 2024, plusieurs écoles sont incendiées à travers le territoire. À Maré, c’est le collège de La Roche qui voit ses locaux administratifs partir en fumée, forçant un report de la rentrée. À Nouméa, le bâtiment annexe de l’école François-Griscelli est également brûlé, suivi du faré pédagogique du lycée professionnel Jean XXIII à Païta. Les écoles voisines des Scheffleras sont fermées par précaution.
À ce moment-là, aucun coupable n’est interpellé, mais le signal est donné. Le système scolaire n’est plus épargné.
Des actes répétés : récidives, gardes à vue et jeunes auteurs identifiés
Les semaines passent, et les incendies continuent. Le 3 mai 2025, deux lieux sont visés dans la même nuit : l’école Gustave-Lods à Logicoop, où une effraction est constatée, et la toute nouvelle piste de BMX à Tina, à peine inaugurée. Cette fois, deux adolescents de 16 et 17 ans sont arrêtés en flagrant délit. Un des rares cas où les auteurs sont directement interpellés.
Mais c’est au début juin 2025 que l’affaire prend une tournure plus grave : l’école catholique Ave Maria à Saint-Louis est incendiée à trois reprises en 24 heures. L’auteur présumé, un jeune homme de 21 ans, est identifié, arrêté, puis incarcéré. Selon la procureure adjointe, il reconnaît les faits, motivés par des vols de matériel et une volonté de « venger ses frères ». Il sera jugé le 15 juillet 2025.
Ces actes ne sont plus simplement accidentels ou opportunistes. Ils traduisent une mutation du rapport à l’institution scolaire, considérée dans certains cas comme ennemie ou étrangère à une communauté locale en souffrance ou en conflit.
Païta à nouveau touchée : une école déjà visée refait les gros titres
Le 9 juillet 2025, l’école James-Paddon à Païta est de nouveau la cible d’un incendie. Une poubelle en feu provoque un sinistre qui touche la cantine. L’établissement, déjà victime de deux incendies en 2019, est en partie paralysé : la cantine reste fermée jusqu’à nouvel ordre, bien que les cours puissent reprendre.
Une enquête de gendarmerie est ouverte, mais là encore, aucun coupable n’est identifié dans l’immédiat. L’origine criminelle est fortement soupçonnée, mais les faits peinent à trouver des suites judiciaires.
Une banalisation inquiétante du feu dans l’espace scolaire
En un an, la Nouvelle-Calédonie a connu des dizaines d’établissements scolaires visés par des incendies, souvent nocturnes, souvent volontaires, parfois revendiqués, parfois gratuits. Dans certains cas, des adolescents ou de jeunes majeurs ont été mis en cause, révélant une fracture générationnelle et territoriale profonde.
L’école, censée protéger, transmettre et apaiser, devient dans certains quartiers le reflet d’un ordre contesté, voire haï. Le feu, lui, s’impose comme une langue de révolte, que ce soit pour l’argent, la vengeance ou l’expression d’un mal-être collectif.
Les autorités judiciaires et éducatives alertent, mais peinent à enrayer le phénomène. Tant que ces actes resteront faiblement punis, rapidement oubliés, ou politiquement minimisés, ils continueront. Et d’autres écoles brûleront.