Le ministre philippin de la Défense accuse la Chine de mener une stratégie indépendante des États-Unis dans le Pacifique.
Une stratégie chinoise vieille de plusieurs années
Le ton est monté d’un cran à Singapour. Pour Gilberto Teodoro, ministre philippin de la Défense, il ne fait aucun doute que l’agressivité croissante de la Chine dans l’Indo-Pacifique n’a rien à voir avec les États-Unis. Selon lui, Pékin suit une feuille de route expansionniste clairement définie, indépendante des alternances à Washington.
La conception stratégique de la Chine ne dépend pas d’un président américain. Elle suit son propre plan
a-t-il déclaré lors du sommet Reuters NEXT Asia.
Les accrochages répétés en mer de Chine méridionale, dont un grave incident en juin 2024 ayant coûté un doigt à un marin philippin, ne sont que les symptômes d’une volonté de domination régionale assumée, affirme Teodoro. Même s’il reconnaît l’influence des États-Unis dans la région, il insiste : les actions de la Chine sont « prédéterminées » par ses dirigeants, quels que soient les contextes extérieurs.
Une dissuasion crédible pour contenir les incursions
Alors que la Chine revendique presque toute la mer de Chine méridionale – au mépris des droits du Brunei, de l’Indonésie, de la Malaisie, du Vietnam, de Taïwan et bien sûr des Philippines – Manille durcit le ton. Teodoro insiste sur la nécessité d’un rapport de force crédible pour soutenir la diplomatie :
On ne peut pas parler de diplomatie sans force de dissuasion crédible. Ce que nous faisons, c’est mettre un frein, autant que possible, aux incursions illégales de la Chine.
Le pays a lancé une modernisation militaire à plusieurs milliards de dollars, avec l’acquisition de jets multirôles en ligne de mire. Les sous-marins sont relégués au second plan, au profit du renforcement de l’armement et des infrastructures pour défendre les plateformes existantes.
Contrairement à certaines critiques, le ministre refuse de dire que l’ASEAN reste passive face à la montée en puissance de Pékin. La négociation en cours d’un code de conduite régional avec la Chine prouve que l’inquiétude est bien réelle, affirme-t-il :
Il ne faut pas être un génie pour s’alarmer de ce qui se passe.
L’axe Washington-Manille-Tokyo face au défi chinois
Depuis l’élection de Ferdinand Marcos Jr. en 2022, les Philippines se sont montrées beaucoup plus fermes à l’égard de Pékin, tout en renforçant leur alliance avec les États-Unis, l’Australie et le Japon. Un revirement stratégique soutenu par l’opinion publique.
Teodoro en est convaincu : aucun futur président ne pourra aisément faire marche arrière. Le rejet de l’attitude du gouvernement chinois est profond, durable et partagé.
Ce n’est pas la Chine en tant que nation que l’on rejette, mais le comportement de son gouvernement
Malgré les tensions, Teodoro ne croit pas à une guerre imminente. Mais il prévient : tout dépendra de l’évolution intérieure en Chine.