La Nouvelle-Calédonie panse ses plaies, mais le monde associatif s’effondre dans un silence assourdissant.
Près de 200 associations ont dû suspendre ou réduire leurs activités, confrontées à un désastre financier et humain inédit.
Un choc brutal : 97 % des associations touchées
En Nouvelle-Calédonie, 97 % des associations employeuses ont été impactées par les émeutes de mai 2024, dont plus de la moitié de manière sévère ou critique. Près de quatre sur cinq ont suspendu ou réduit leurs activités. La culture, le sport, la santé et l’action sociale figurent parmi les domaines les plus durement frappés.
Ces données sont issues d’une enquête menée par l’Isee entre novembre et décembre 2024, auprès des 274 associations ayant déclaré au moins un salarié au 31 mars 2024 sur l’ensemble du territoire.
Après redressement statistique, 263 structures ont été analysées, ce qui a permis d’établir un bilan précis de l’impact des émeutes.
Les conséquences sont multiples : 30 % de budget en moins, 260 emplois supprimés, chute du nombre de bénévoles (–7,4 %) et d’adhérents (–10,7 %). À l’échelle humaine, ce sont des centaines de projets annulés, des publics abandonnés, des missions essentielles stoppées net.
Dans les zones les plus exposées, notamment en province Sud, les associations ont vu leurs locaux, véhicules ou matériels détruits. Même dans le Nord ou les Îles, plus éloignés des foyers de violence, les impacts restent sensibles. Partout, c’est le lien social qui s’effiloche.
Une hémorragie financière massive et un soutien institutionnel insuffisant
Avant la crise, les associations employeuses géraient un budget global de 20,8 milliards de francs CFP. Fin 2024, elles n’en ont perçu que 14,6 milliards : un recul de 30 %, malgré l’augmentation des besoins sociaux dans certains secteurs, comme l’aide alimentaire ou l’accompagnement psychologique.
Les subventions publiques sont en chute libre. Les collectivités locales ont été les moins présentes : seulement 43 % des aides communales ont été versées. Les provinces et le gouvernement calédonien plafonnent à 55–56 %, tandis que l’État a maintenu 82 % de ses engagements.
Le mécénat privé s’est effondré de 56 %, les cotisations ont chuté de 35 %, et les recettes propres de 24 %.
Dans un tel contexte, plus de la moitié des associations déclarent une trésorerie critique, et 60 % n’ont reçu aucun soutien complémentaire depuis mai.
L’emploi est à l’avenant : près de 9 % des effectifs salariés ont disparu, surtout dans la culture et les loisirs.
Les départs ne sont pas remplacés, les horaires sont réduits, le temps partiel explose.
Le bénévolat, pilier de ces structures, s’effrite également, frappé par les contraintes logistiques, la peur ou l’épuisement.
Un avenir incertain malgré des stratégies de survie
Face à cette crise multiforme, les associations calédoniennes s’organisent tant bien que mal.
Premier levier activé : la rationalisation des coûts. Loyers renégociés, réduction de la masse salariale, limitation des activités : la survie se joue au francs près.
Deuxième stratégie : la diversification des services et des partenariats. Mutualisation de moyens, nouveaux programmes, participation à des projets collectifs : près de la moitié des associations ont adapté leur offre ou renforcé leurs réseaux.
Enfin, certaines se tournent vers le numérique, les dons en ligne ou le lobbying institutionnel pour alerter sur leur situation.
Mais les signaux d’alarme se multiplient : 13 % envisagent une dissolution prochaine, 52 % sont dans le doute, et trois sur cinq estiment qu’un retour à la normale prendra plus de six mois — voire plus d’un an pour un tiers d’entre elles.
L’effondrement du tissu associatif calédonien n’est pas une simple question budgétaire.
Il menace à terme l’accompagnement des publics vulnérables, l’accès à la culture, au sport, à la formation, et la stabilité même du lien social. Ignorer cette crise serait hypothéquer durablement la reconstruction du pays.