C’est plus qu’une visite protocolaire. Du 15 au 22 juillet, Manuel Valls débarque au fenua avec un programme aussi dense que sensible. Entre paix républicaine et colère souverainiste, l’exécutif marche sur un fil.
Show de l’État ou opération pansement ?
Il débarque avec fracas. Sept jours, cinq îles, une dizaine de thématiques brûlantes : infrastructures, environnement, sport, énergie, emploi. Mais derrière ce marathon bien huilé, c’est le ras-le-bol du terrain que le ministre va devoir affronter.
Valls passera par Tahiti, Hiva Oa, Rangiroa, Moorea, Rurutu. Chaque arrêt sera un test. Le discours officiel, calibré, vantera le Fonds vert, les aides à la formation, le soutien au tourisme et à la perliculture. Mais le terrain réclame autre chose : des actes, pas des annonces.
À Tahiti, il visitera les bases militaires et le RSMA ; à Moorea, il croisera chercheurs et ONG environnementales. À Rangiroa, il inaugurera des abris de survie, tandis qu’à Rurutu, il parlera d’énergie verte et d’aires marines protégées. Mais cette opération séduction ne convainc pas tout le monde. Beaucoup y voient un rideau de fumée, une manœuvre pour éviter les vrais sujets.
Ice, sécurité : l’exécutif à la peine
Sur le fond, deux bombes attendent Manuel Valls : l’ice et l’insécurité. Le fléau de la méthamphétamine ravage des familles entières, pourrit les quartiers, affaiblit l’autorité de l’État. Le gouvernement local a alerté, l’assemblée a voté une résolution. Mais Paris tarde.
Valls n’a plus le choix. Il devra trancher : répression ou laxisme, engagement ou mépris. Et en Polynésie, le silence serait un aveu de faiblesse.
Même pression sur la sécurité maritime : patrouilleurs attendus, surveillance de la ZEE, trafic de drogue… les dossiers s’accumulent. Le ministre parlera chiffres, matériel, engagement. Mais sur le terrain, les gendarmes manquent, les radars vieillissent, et les narcos progressent.
En face, les élus attendent des garanties — pas des éléments de langage. Le fenua est fatigué d’être oublié. Et le terrain le fera savoir.
Nucléaire et Tavini : Valls dans le viseur
Mais c’est la politique qui pourrait tout faire exploser. Car le Tavini est prêt. Le parti indépendantiste annonce une mobilisation dès le 16 juillet, au cœur de Papeete : sit-in, banderoles, slogans… l’ambiance sera tendue.
Objectif : forcer Valls à s’exprimer sur la décolonisation, les résolutions de l’ONU que la France ignore, et le statut du fenua que Paris refuse d’aborder.
Manuel Valls a déjà tranché depuis Paris : c’est non. Mais sur place, cette fermeté peut vite tourner à la provocation. Et dans un climat où la colère gronde, chaque mot comptera.
Autre sujet empoisonné : le nucléaire. Le rapport explosif de la commission d’enquête a relancé la polémique. Mémoire, indemnisations, dette sociale… les Polynésiens veulent du concret, pas des promesses creuses. Valls devra répondre — ou fuir le débat.
Et pendant ce temps-là, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, est attendu en fin d’année. Traduction : aucun engagement ferme sur la convention santé, pourtant en débat depuis des mois. Une esquive qui pourrait coûter cher.
Cette visite n’est pas un simple déplacement ministériel. C’est un test. Un bras de fer. Un crash-test pour l’autorité de l’État dans le Pacifique. Manuel Valls vient avec des dossiers. Il repartira peut-être avec une crise.