PIB en chute libre, emploi en berne, consommation figée : l’économie calédonienne vit sa pire crise depuis 60 ans.
Un choc économique d’une ampleur historique
L’année 2024 restera comme une date noire dans l’histoire économique de la Nouvelle-Calédonie. Le rapport annuel de l’IEOM lève le voile sur une réalité brutale : le territoire subit une contraction du PIB estimée entre -10 % et -15 %, un effondrement inédit depuis la récession de 1962. Cette dégringolade résulte d’un enchaînement de crises systémiques – nickel, BTP, finances publiques – et d’un choc brutal : les émeutes de mai 2024, qui ont cristallisé les faiblesses structurelles déjà à l’œuvre.
Les fondations de l’économie calédonienne se sont fissurées : l’investissement privé a chuté de 20 à 25 %, la consommation des ménages recule de 8 à 10 %, et l’emploi est frappé de plein fouet avec 13 000 suppressions de postes dans le privé et près de 2 000 dans le public.
L’activité en panne : consommation, emploi, confiance
Le moral des chefs d’entreprise est à son plus bas niveau depuis 25 ans, selon l’indicateur de climat des affaires. L’économie calédonienne n’avait jamais atteint un tel degré de défiance, hormis durant la crise Covid. Résultat : gel des embauches, investissements reportés, consommation déprimée. Les ventes de voitures neuves ont plongé de 50 %, les paiements par carte sont en recul de 8 % et les demandes de surendettement explosent.
Le marché de l’emploi est en miettes. La fermeture de l’usine du Nord, la paralysie du BTP, la dévitalisation du commerce et des services ont provoqué une destruction massive de postes. Le chômage partiel a permis d’amortir temporairement le choc, mais la précarité s’est installée dans le quotidien de milliers de familles.
Nickel, BTP, finances : les piliers vacillent
L’effondrement ne s’explique pas uniquement par les violences urbaines. La filière nickel était déjà en crise bien avant mai 2024 : chute des cours, arrêt de production, difficultés de trésorerie. Malgré un rebond timide de l’extraction et de la production métallurgique depuis début 2025, les perspectives restent incertaines sans repreneur structurant.
Le BTP, autre moteur de l’économie locale, est à l’arrêt quasi complet. La baisse des ventes de ciment témoigne d’un secteur en léthargie, malgré les 200 millions d’euros annoncés pour la reconstruction des bâtiments publics.
En parallèle, les finances publiques locales sont à bout de souffle, totalement dépendantes de l’État. Avec plus de 160 milliards de francs injectés par Paris en 2024, la Nouvelle-Calédonie vit sous perfusion budgétaire, sans perspectives claires de reprise autonome.
Tourisme, banques, inflation : des signaux contrastés
Le tourisme, qui avait timidement redémarré après le Covid, s’est à nouveau effondré. Seule exception : les croisiéristes, en hausse début 2025. Mais leur impact économique reste marginal. Le secteur bancaire, lui, a absorbé le choc en reportant les crédits, malgré des pertes nettes de 5 milliards et un taux de créances douteuses à 7,6 %.
Seule lumière dans ce tableau sombre : l’inflation est restée modérée, autour de 1,6 % en 2024, même si une flambée ponctuelle a été observée juste après les émeutes, notamment sur les produits alimentaires.
Une reprise suspendue à l’enjeu politique
Pour espérer sortir du tunnel, la Nouvelle-Calédonie a besoin de plus que des subventions. Ce qu’il lui manque cruellement aujourd’hui, c’est la confiance. Tant que les incertitudes institutionnelles ne seront pas levées, aucun investisseur – local ou étranger – ne prendra le risque de s’engager sur le long terme.
Le rapport de l’IEOM le dit clairement : seule une stabilisation politique et une vision partagée de l’avenir pourront amorcer un redémarrage. L’histoire économique du territoire montre qu’un rebond est possible, comme en 1988 (+15 % de croissance) ou après le Covid (+3,5 % en 2022). Mais cette fois, les dommages sont plus profonds, les ressources plus limitées, et l’exigence de réforme plus impérieuse que jamais.