C’est une date symbole, un geste politique fort. Emmanuel Macron a décidé d’honorer à jamais la mémoire d’Alfred Dreyfus et de ceux qui ont défendu la République contre la haine.
Une reconnaissance tardive pour une injustice fondatrice
Accusé à tort de haute trahison en 1894, Alfred Dreyfus, capitaine juif de l’armée française, est devenu malgré lui le cœur battant d’un affrontement fondamental entre vérité, justice et antisémitisme. Dégradé publiquement, déporté au bagne de l’île du Diable, il subit cinq années de détention inhumaine avant d’être réhabilité par la Cour de cassation en 1906.
Mais cette réhabilitation juridique ne fut jamais vraiment complète à ses yeux. Dreyfus, qui rêvait d’un retour dans l’armée à la hauteur de sa loyauté, dut attendre plus d’un siècle pour que la France reconnaisse pleinement l’ampleur de son sacrifice.
Emmanuel Macron a donc tranché : chaque 12 juillet, date de sa réhabilitation, deviendra désormais journée nationale de commémoration. Objectif affiché : inscrire dans le marbre la victoire de la vérité sur la haine, et rappeler que l’antisémitisme ne relève jamais du passé.
L’antisémitisme, un poison toujours actif
Le chef de l’État ne s’est pas contenté d’un hommage symbolique. Il a clairement relié cette commémoration à l’actualité brûlante. Entre janvier et mai 2025, 504 actes antisémites ont été recensés en France. Si ce chiffre marque une baisse de 24 % par rapport à 2024, il reste deux fois supérieur à celui de 2013.
Cette persistance des tensions alarme les autorités. Pour Macron, les vieux démons ne sont jamais loin. Les héritiers des antidreyfusards, antirépublicains et antisémites continuent d’infiltrer les marges politiques, les réseaux sociaux, parfois même les institutions.
Le message est clair : le combat mené par Zola, Picquart, Clemenceau ou Jaurès ne doit pas rester figé dans les livres d’histoire. Il doit vivre, inspirer, et vacciner la République contre l’oubli comme contre les compromissions.
Une élévation posthume qui divise encore
Le président a toutefois écarté l’idée d’une panthéonisation de Dreyfus, comme le réclament certains historiens et élus. En revanche, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité, en juin, une proposition de loi visant à l’élever au grade de général de brigade, 90 ans après sa mort. Le texte doit encore être validé par le Sénat.
Derrière ce geste, une tension persiste : peut-on réparer l’irréparable ? Jusqu’à sa mort en 1935, Dreyfus lui-même jugea injustes les conditions de sa réintégration. Et même si Jacques Chirac affirmait déjà en 2006 que « justice ne lui a pas complètement été rendue », aucun président n’avait jusqu’ici pris cette décision symbolique d’institutionnaliser sa mémoire.
La première cérémonie aura lieu le 12 juillet 2026, pour le 120e anniversaire de la décision de la Cour de cassation. À travers elle, la République entend affirmer que le dreyfusisme — cette alliance du droit, de la vérité et du courage civique — doit demeurer une boussole morale pour les générations à venir.
Macron ne réhabilite pas Dreyfus : il réarme la République. En inscrivant le 12 juillet dans le calendrier national, il transforme un drame historique en leçon de vigilance. Car l’affaire Dreyfus n’est pas terminée. Elle continue, sous d’autres formes, chaque fois que la haine tente de réécrire la vérité.