Un « drumband » indonésien pour lancer le 14-Juillet : c’est une première historique.
La France fait défiler Jakarta en tête pour sceller un partenariat stratégique majeur.
Un défilé militaire placé sous le signe de l’Indopacifique
Ce lundi 14 juillet à Paris, l’Indonésie est à l’honneur du défilé militaire. Pour la première fois, un contingent de 450 militaires indonésiens, précédés de la Patrouille de France, ouvrira la marche sur les Champs-Élysées. Cette invitation ne relève pas du folklore : elle consacre 75 ans de relations diplomatiques entre Paris et Jakarta, mais surtout marque un pivot stratégique dans la zone indo-pacifique, désormais centrale pour les intérêts français.
Ce choix hautement symbolique traduit une volonté politique : affirmer la présence militaire française dans cette région disputée, y défendre une vision souveraine et équilibrée de la sécurité, et sceller des alliances solides face aux tensions croissantes, notamment en mer de Chine méridionale. L’Indonésie, archipel puissant et acteur clé de l’ASEAN, est devenue un partenaire incontournable de la stratégie indo-pacifique française.
Le président Prabowo Subianto, ex-général élu en 2024, sera aux côtés d’Emmanuel Macron pour les festivités. En retour, Jakarta s’engage dans une coopération militaire sans précédent avec Paris : commandes massives de Rafale, sous-marins Scorpène, canons Caesar et frégates Gowind. L’Élysée l’a résumé sans détour : la France est désormais le principal partenaire défense de l’Indonésie.
Un virage stratégique acté par les livraisons d’armement
Ce partenariat ne repose pas uniquement sur des symboles. Il s’incarne dans des chiffres : 42 Rafale F4 commandés, deux A400M attendus fin 2025, deux sous-marins Scorpène d’ici 2031, sans compter les munitions, frégates légères et systèmes de défense associés. Cette coopération matérielle est accompagnée d’échanges structurants dans la formation militaire, la cybersécurité et la sécurité civile.
Ce virage s’est accéléré depuis la visite d’Emmanuel Macron à Jakarta fin mai. À cette occasion, les deux chefs d’État ont signé une lettre d’intention visant à renforcer leur coopération stratégique, mais aussi leur dialogue politique. En janvier 2025, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait déjà fait le déplacement à Jakarta, dans le cadre de la mission Clemenceau 25, menée par le porte-avions Charles de Gaulle. L’escale du groupe aéronaval français en Indonésie a symbolisé le renforcement de la projection militaire française jusqu’au Pacifique occidental.
Dans ce contexte, le défilé militaire devient la vitrine d’un axe Paris-Jakarta en pleine consolidation, au moment où les équilibres militaires se recomposent dans le bassin indo-pacifique.
Défense, économie, diplomatie : un partenariat à 360 degrés
Ce partenariat dépasse le strict domaine militaire. Il inclut une dimension économique forte : lors du déplacement présidentiel de mai dernier, 17 milliards d’euros de contrats ( 2 040 milliards CFP) ont été signés avec des entreprises françaises comme TotalEnergies, Lesaffre ou Hydrogène de France. Pour Paris, l’Indonésie est un levier de sécurité économique et de diversification commerciale, alors que les tensions douanières avec les États-Unis s’exacerbent.
Le nickel indonésien, ressource stratégique, intéresse particulièrement la France dans le contexte de relocalisation industrielle et de transition énergétique. Jakarta est en effet l’un des premiers producteurs mondiaux de ce métal indispensable aux batteries électriques.
Sur le plan diplomatique, la convergence est affichée. La France et l’Indonésie partagent une même lecture du droit international, une même volonté de promouvoir la paix et de peser dans les grandes négociations mondiales. Elles ont d’ailleurs cosigné une déclaration sur Gaza fin mai, appelant à des progrès vers une reconnaissance mutuelle entre Israël et Palestine. Jakarta est également un acteur clé du maintien de la paix, avec plus de 2 700 soldats engagés dans des opérations de l’ONU, notamment au Liban et au Sud-Soudan.
La présence indonésienne sur les Champs-Élysées incarne donc un choix stratégique. Un message clair envoyé à Pékin, Washington et Canberra : la France compte dans la région.
Ce 14-Juillet marque un tournant diplomatique et stratégique. En conviant l’Indonésie à ouvrir le défilé, Emmanuel Macron envoie un signal fort : la France n’entend pas être un figurant dans l’Indopacifique. Elle noue des alliances, projette ses forces, investit sur la durée. Dans un monde fragmenté, les tambours indonésiens résonneront comme un rappel de cette ambition : peser, défendre, durer.