Des mesures choc pour réguler le marché et alléger la facture des ménages.
Le gouvernement veut renforcer la concurrence et réformer en profondeur le Code de commerce local.
Une réforme ambitieuse du Code de commerce calédonien
Saisi par le gouvernement le 11 avril 2025, l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a rendu un avis globalement favorable à un avant-projet de loi du pays qui entend profondément réviser les règles encadrant la concurrence, les marges commerciales et le fonctionnement de l’Autorité elle-même. Ce texte s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre la vie chère, thème récurrent et explosif dans l’archipel.
Le cœur de la réforme réside dans l’intégration explicite des prix et des marges excessifs parmi les abus de position dominante, permettant à l’Autorité d’intervenir plus fermement face aux géants de la distribution. Le texte prévoit également l’élargissement du mécanisme d’injonction structurelle, afin de corriger les distorsions de marché à la racine, en cas de déséquilibre durable.
En parallèle, plusieurs recommandations visent à renforcer la sécurité juridique : codification des procédures au sein du Code de commerce, possibilité de suspendre les délais d’examen pour plus de souplesse, et meilleure lisibilité des garanties offertes aux entreprises mises en cause. L’Autorité recommande même que les décisions sensibles soient prises par délibération du Congrès et non plus par de simples arrêtés.
Des pratiques commerciales sous haute surveillance
Le texte s’attaque frontalement aux pratiques commerciales jugées restrictives ou obsolètes. Ainsi, l’interdiction de revente à perte pourrait être supprimée, un changement majeur qui redonnerait de la liberté tarifaire aux distributeurs et pourrait entraîner une baisse des prix pour les consommateurs. Même logique concernant les remises différées entre fournisseurs et distributeurs : considérées comme des outils classiques de négociation commerciale dans l’Hexagone, elles restent interdites en Nouvelle-Calédonie.
Or, selon l’Autorité, ces remises sont susceptibles de bénéficier directement aux ménages si elles sont répercutées sur les prix de vente. Leur suppression actuelle est donc perçue comme un frein inutile à la compétitivité. L’avant-projet entend également lever certaines interdictions sur les produits frais, réfrigérés ou surgelés locaux, notamment issus de l’agriculture ou de la pêche.
Autre point clé : les délais de paiement. Le texte propose de les porter de 30 à 45 jours, tout en fixant leur point de départ à la date d’émission de la facture. Pour dissuader les retards, une indemnité de retard automatique serait introduite, avec un montant fixé par arrêté. Des sanctions plus dissuasives sont également préconisées.
Une Autorité renforcée pour un contrôle plus efficace
Au-delà des règles de marché, le gouvernement entend aussi réformer l’Autorité de la concurrence elle-même. Plusieurs avancées sont saluées : meilleure organisation interne, harmonisation des règles d’incompatibilité, élargissement des types de décisions pouvant être prises sans réunion formelle du Collège… autant de leviers destinés à fluidifier l’action de l’institution.
L’Autorité propose aussi la mise en place d’un suivi systématique de ses recommandations, afin d’assurer un retour d’expérience et une meilleure évaluation des politiques publiques. Un effort de clarté est également demandé sur les règles d’intérim et de délégation, essentielles pour garantir la continuité du contrôle concurrentiel.
Enfin, en matière de régulation de marché, l’Autorité regrette une réforme encore trop fragmentaire, malgré l’introduction de deux nouveaux dispositifs : l’obligation de saisine en cas de renouvellement de mesures, et un régime spécifique pour les entreprises sinistrées. Elle appelle à une approche plus globale, ainsi qu’à une procédure d’avis facultative, qui lui permettrait de mieux cibler ses interventions selon les risques identifiés.
À travers cet avant-projet de loi, le gouvernement calédonien ambitionne de muscler les outils de régulation, d’assainir les pratiques commerciales et surtout de réduire les coûts supportés par les ménages. La lutte contre la vie chère, relancée depuis les émeutes de 2024, devient ici un axe structurant de l’action publique.
En renforçant l’Autorité de la concurrence, en assouplissant les contraintes tarifaires et en ajustant les délais et sanctions, la Nouvelle-Calédonie s’aligne peu à peu sur les standards européens… tout en affirmant sa spécificité juridique locale. Reste à savoir si les mesures proposées survivront aux débats politiques et aux lobbies puissants du commerce local.