La Nouvelle-Calédonie est un joyau écologique mondial, mais un joyau en sursis. Depuis 25 ans, le WWF y œuvre pour préserver une biodiversité unique, menacée par le dérèglement climatique, les espèces invasives et une fragilisation des politiques publiques. De retour d’une mission sur le territoire, la direction du WWF France sonne l’alerte. Restauration des écosystèmes, mobilisation des savoirs traditionnels, coopération régionale : les défis sont aussi nombreux que les leviers d’action.
Un hotspot mondial de biodiversité menacé par l’inaction
La Nouvelle-Calédonie est l’un des 36 “hotspots” mondiaux de biodiversité, mais cette richesse est en péril. Près de 70 % des espèces végétales et animales sont endémiques, c’est-à-dire qu’elles n’existent nulle part ailleurs. Or, beaucoup figurent déjà sur la liste rouge de l’UICN.
Perdre une espèce ici, c’est l’effacer à jamais de la planète
alerte une responsable d’un programme de conservation à Bourail. Des projets de terrain, comme la restauration des ripisylves le long de la Néra, permettent de lutter contre l’érosion des sols et de protéger à la fois l’environnement et les revenus agricoles. Le tout dans une logique participative, saluée sur le terrain.
On ne peut rien faire sans les agriculteurs, les éleveurs, les tribus et les communes. C’est ensemble qu’on avance
explique une coordinatrice locale du WWF.
Les zones d’action du WWF en Nouvelle-Calédonie
Zone | Type d’action | Partenaires locaux |
---|---|---|
Bourail | Restauration de ripisylves, protection des tortues marines | Chambre d’agriculture, mairie, associations |
Nouméa / Parc forestier | Lutte contre les espèces invasives, reboisement forêt sèche | Province Sud, Parc zoologique |
Dumbéa | Ateliers pédagogiques, sorties nature, replantation | Écoles, mairie, WWF |
Gouaro Déva | Suivi des espèces côtières, sensibilisation touristique | Province Sud, WWF |
Tribu de Gohapin | Production de plants, pépinières locales | Femmes de tribu, ONG partenaires |
Îles Loyauté | Suivi des tortues marines, projets lagonaires | Associations insulaires, WWF |
L’alerte climatique : restaurer pour s’adapter
Le changement climatique est déjà visible sur le territoire : recul du trait de côte, feux de forêt à répétition, pression accrue sur les espèces marines. Le WWF parie sur les solutions fondées sur la nature : replantation de mangroves, préservation des forêts sèches, gestion des espèces envahissantes.
Restaurer une forêt, c’est restaurer un puits de carbone et protéger les communautés riveraines
affirme un ingénieur environnemental en poste à Nouméa.
La priorité est double : atténuer les effets du dérèglement et aider les populations à s’y adapter. À ce titre, des projets interconnectés dans toute la région Pacifique, de Fidji à la Papouasie, permettent des échanges d’expertise et des stratégies communes, notamment autour des espèces migratrices comme les tortues marines ou les dugongs.
Le Pacifique ne peut pas être la variable d’ajustement des ambitions climatiques de la métropole
dénonce une militante environnementale du Nord.
Des moyens en chute libre face à des enjeux grandissants
Alors que la mobilisation ne faiblit pas sur le terrain, les financements, eux, se tarissent. En métropole comme en Outre-mer, les budgets dédiés à l’environnement sont en ligne de mire des restrictions budgétaires.
On parle de 43 milliards d’économies : si l’écologie est sacrifiée, c’est toute la société qui en paiera le prix
prévient un cadre du WWF France. Le WWF milite pour un renforcement du soutien aux associations locales, durement impactées par les violences de mai 2024. Malgré cela, les équipes sont restées présentes, assurant une continuité d’action dans un contexte tendu.
La résilience, ici, ce ne sont pas que des discours : ce sont des gens qui n’ont jamais quitté le terrain, même au pire de la crise
souligne une animatrice d’ateliers pédagogiques à Dumbéa.
Une biodiversité facteur d’unité sociale et politique
Au-delà des enjeux purement écologiques, la protection de la biodiversité est un puissant levier de cohésion sociale. De nombreuses actions menées par le WWF s’appuient sur les savoirs traditionnels des tribus et la co-construction avec les collectivités.
Quand on restaure un écosystème avec les habitants, on restaure aussi la confiance et la fierté
affirme un chef coutumier du Sud.
Des conventions ont été signées avec la province Sud pour appuyer les projets de reforestation, notamment autour des forêts sèches, aujourd’hui réduites à 2 % de leur surface d’origine. Le Parc zoologique et forestier de Nouméa devient ainsi un pôle de sensibilisation et d’expérimentation.
Il ne s’agit pas de sauver la nature pour elle-même, mais parce qu’elle est notre socle commun
résume une scientifique.
Rester debout malgré l’adversité
La Nouvelle-Calédonie dispose de compétences environnementales fortes, mais elle manque de moyens et de relais politiques constants. Le WWF appelle les décideurs à remettre la biodiversité et le climat au sommet de l’agenda, au niveau local comme national.
Ici, l’environnement n’est pas une option : c’est une question de survie
tranche un habitant de la côte Est, engagé dans un projet de reboisement. Dans un contexte mondial marqué par le recul des politiques environnementales, la voix du territoire doit continuer à porter, avec force et clarté. Le WWF en fait le pari. Mais il ne pourra pas le faire seul.