Démis pour malversations présumées, le controleur général Marchi-Leccia laisse une DSCGR en crise, minée par les tensions internes et les soupçons.
La chute d’un haut fonctionnaire sous le feu des accusations
C’est désormais officiel : Frédéric Marchi-Leccia a été démis de ses fonctions de directeur de la Sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR) de Nouvelle-Calédonie. Un arrêté signé par le président du gouvernement, Alcide Ponga, met fin à cinq années d’exercice au sommet de cette direction stratégique. À 62 ans, celui que les Calédoniens avaient l’habitude de voir en première ligne lors des incendies, cyclones ou crises sanitaires, quitte ses fonctions sur fond de graves accusations pénales et administratives.
Deux plaintes pèsent sur lui : l’une pour harcèlement moral, l’autre pour malversations financières liées à l’attribution de vacations et primes à certains pompiers, notamment après les émeutes de mai 2024. Une enquête administrative est également en cours pour « manquements managériaux », selon le gouvernement.
Une DSCGR en pleine implosion
Derrière la chute du directeur, c’est toute la maison Sécurité civile qui tangue. Depuis la suspension de F. Marchi-Leccia en mars 2025, le climat s’est considérablement dégradé. Selon une enquête de Demain Nouvelle-Calédonie, 15 agents sur 50 étaient en arrêt maladie au mois de juin, soit près d’un tiers de l’effectif. Ambiance délétère, méfiance mutuelle, isolement des cadres… La DSCGR traverse une crise inédite.
Victor Lethezer, le directeur adjoint, qui a pris l’intérim, est directement mis en cause dans la dénonciation des faits reprochés à son supérieur. Une situation explosive.
L’intérim est assuré par celui qui a déclenché l’affaire, on marche sur la tête
lâche un agent de la direction sous couvert d’anonymat.
Le service est à la dérive, et personne ne semble vouloir en prendre la vraie mesure.
Face à ces tensions, la commune de Païta a dû prêter son chef de corps pour assurer la continuité opérationnelle. Une mesure d’urgence rare, qui traduit la désorganisation interne et l’inquiétude grandissante parmi les élus.
Il faut redonner confiance aux équipes. Là, ils sont en train de payer les conséquences d’un conflit qui les dépasse
résume un officier de terrain.
Une affaire éminemment politique ?
Si les accusations sont graves, la brutalité de la décision interroge. F. Marchi-Leccia n’a pas encore été entendu, ni par le gouvernement, ni par le parquet, comme l’a confirmé le procureur Yves Dupas. Les investigations sont en cours, mais aucune mise en examen n’a été prononcée, ni même d’instruction judiciaire ouverte à ce jour.
Le dossier est instruit à charge sans aucune garantie pour la défense. C’est une purge, pas une enquête loyale
dénonce un ancien haut fonctionnaire de la sécurité civile.
On se débarrasse d’un homme trop structurant, trop indépendant, qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Derrière l’affaire judiciaire, certains évoquent des rivalités internes, des luttes d’influence, voire des désaccords de fond sur la gestion des crises récentes.
Il y avait un clivage net entre la direction et le politique depuis l’épisode Covid. Ça s’est tendu de plus en plus
confie un élu.
Un homme bien, mais mal entouré ?
Au-delà des accusations, nombreux sont ceux qui défendent l’homme derrière la fonction. Frédéric Marchi-Leccia, sapeur-pompier de carrière, reconnu pour son engagement lors des incendies, cyclones et crises sanitaires, reste pour beaucoup un professionnel rigoureux et investi.
Ce n’est pas un voyou, c’est un chef, mais il s’est entouré des mauvaises personnes
glisse un officier de terrain.
D’autres évoquent une direction verrouillée, des circuits opaques, et un entourage qui aurait profité de sa loyauté pour agir à sa place ou dans son dos. Une hypothèse qui alimente un sentiment d’injustice croissant dans les rangs :
Il paie pour tout le système, mais il ne devrait pas tomber seul
Ce constat relance une question centrale : la purge d’un homme suffit-elle à réparer des années de dérives collectives ?
Quand la sécurité civile devient un champ de ruines
« Frédéric Marchi-Leccia démis » n’est pas une affaire classée. C’est le début d’une crise plus large, celle d’une direction stratégique pour la sécurité des Calédoniens, aujourd’hui en crise d’autorité, de cohérence et de confiance.
Sans capitaine légitime, sans cap clair et avec une chaîne hiérarchique fragilisée, la DSCGR apparaît aujourd’hui comme un service déstabilisé au cœur de l’appareil d’État. La justice devra faire la lumière sur les faits. Mais c’est bien le gouvernement qui devra assumer le coût politique et financier d’une gestion surdimensionnée, autoritaire et opaque, sans rapport avec les moyens humains dérisoires mobilisés.
Ce que personne ne veut dire tout haut, c’est que cette affaire met en lumière un mal bien plus profond.
Comment peut-on prétendre discuter sereinement d’indépendance, de souveraineté ou de compétences régaliennes quand on n’est même pas capables de gérer correctement celles déjà transférées ?
Le transfert de la sécurité civile n’a jamais fonctionné
souffle un cadre territorial. Il coûte une fortune, génère plus de blocages que d’efficacité, et s’enlise dans des querelles internes dignes d’une république bananière. Nous avons besoin de l’expertise, des hommes et des méthodes que la France peut encore apporter. Il ne s’agit pas d’infantilisation, mais de lucidité : sans garde-fous ni savoir-faire, la gestion locale sombre dans l’improvisation. Le vivier de compétences existe, mais il est ailleurs. À quoi bon négocier un accord politique de haut vol si les fondations de l’autonomie sont déjà fissurées ?
Derrière les accusations, se profile une fracture bien plus large entre technocratie et décision politique, entre loyauté administrative et jeux de pouvoir. Et ce sont les agents, les pompiers, les citoyens, qui en paient aujourd’hui le prix.