Jeu illégal ou simple divertissement ? Cache NC divise entre fun local et zone grise juridique.
Une chasse au trésor moderne… qui dérange les autorités
5 000 francs cachés dans Nouméa, des indices payants dévoilés, d’autres gratuits sur Facebook, une vidéo énigmatique, et des joueurs lancés dans une course haletante. Voilà le concept de Cache NC, une initiative locale devenue virale… et aujourd’hui dans le viseur des autorités.
Le créateur du jeu, anonyme mais très actif sur les réseaux, a confirmé le report de l’édition prévue le samedi 19 juillet, suite à une convocation par une brigade financière. Motif officieux : organisation d’un jeu à gain, avec indice optionnel vendu 300 francs CFP.
Il s’en défend vigoureusement :
Ce jeu est gratuit. L’indice est un plus, facultatif, comme une extension pour ceux qui veulent aller plus loin.
Mais du côté de la loi, le jeu de piste pourrait bien basculer dans l’illégalité, même s’il se présente comme un divertissement bénévole.
Indices payants, cash offert : où commence l’infraction ?
Selon plusieurs juristes contactés, le cœur du problème tient à la nature du gain et à la vente d’un avantage stratégique (l’indice à 300 F CFP). Si l’organisateur tire un bénéfice — direct ou indirect — de ce mécanisme, il pourrait tomber sous le coup de la réglementation sur les loteries ou jeux de hasard illicites, notamment les articles L.322-1 à L.324-5 du Code de la sécurité intérieure (applicable en Nouvelle-Calédonie par renvoi).
Même sans tirage au sort, la combinaison d’un gain financier et d’un paiement en échange d’un avantage peut caractériser un jeu illégal
explique un professionnel du droit calédonien. L’argument du caractère « fun et libre » ne suffit pas juridiquement.
Et c’est bien là que le bât blesse : une activité présentée comme innocente peut involontairement franchir les lignes rouges légales, notamment en matière de protection des joueurs vulnérables.
Une mécanique virale qui attire les plus précaires
Depuis sa création, Cache NC affiche une volonté assumée de donner du fun, du cash, et une opportunité de gagner « à la loyale », dans un climat de vie chère et de morosité sociale. Sur la forme, l’idée séduit : des cachettes dans la ville, des défis locaux, une vraie communauté qui se crée autour du jeu.
Mais sur le fond, plusieurs observateurs dénoncent une instrumentalisation des plus démunis.
Quand tu fais payer un indice à 300 F à des jeunes ou des mères seules pour espérer mettre la main sur 5 000 F, ce n’est plus un jeu. C’est un business fragile sur la misère.
Ce genre de jeu crée de la tension, du stress, et une logique de compétition malsaine.
D’autant que certains participants affûtés dénoncent déjà des comportements agressifs sur le terrain, des tricheries possibles, et une gestion opaque des preuves de victoire.
Le vide juridique
Et pourtant, Cache NC révèle un vide criant : celui de l’encadrement des jeux digitaux à gains sur les réseaux sociaux.
En 2025, n’importe quel compte Facebook ou TikTok peut lancer un jeu d’argent déguisé, et toucher des centaines de participants — souvent jeunes, parfois précaires, toujours motivés.
Dans une Calédonie en crise, ce genre d’initiative devient à la fois une échappatoire et un miroir : celui d’une société qui ne propose plus de loisirs accessibles, de récompense à l’effort, ou d’espace d’égalité des chances.
Fun ou fraude ? L’enquête tranchera
Le créateur assure qu’il se présentera le 23 juillet, documents en main, pour prouver que tout est légal, transparent, et bénévole. Il martèle :
Je fais ça pour le plaisir, pas pour m’enrichir. Les 300 francs servent à payer le site et les emails. Je ne gagne rien.
Mais la réalité est plus complexe. Car dès qu’un jeu implique de l’argent, un public, et un échange payant, il doit respecter des règles strictes — sous peine de poursuites, amendes, voire interdiction.
Qu’il le veuille ou non, Cache NC est devenu un cas d’école, un test pour l’administration, un débat pour les citoyens.
Et peut-être une alerte rouge pour tous ceux qui, faute de loisirs encadrés, se tournent vers des jeux sauvages pour vibrer, espérer… ou juste survivre.