Le 19 juillet 1870, la France entre dans un conflit éclair avec la Prusse. En six mois, l’Empire s’effondre, Paris est assiégé, l’Alsace-Lorraine annexée. Et l’Europe bascule.
Bismarck provoque, Napoléon III tombe son le piège
Otto von Bismarck, chancelier du roi de Prusse, oriente habilement la diplomatie européenne pour unifier l’Allemagne par le conflit. La succession au trône d’Espagne devient un prétexte : un prince prussien y est pressenti, ce qui inquiète la France. Après une dépêche du roi, Bismarck déforme une dépêche diplomatique (la fameuse « dépêche d’Ems »), transformant un compromis en humiliation pour l’Empire français. Le ton monte. Le 19 juillet 1870, Napoléon III déclare officiellement la guerre à la Prusse. L’opinion publique est galvanisée. Mais l’armée est-elle prête ? Pas du tout.
Face à une Prusse unie et modernisée, la France aligne péniblement 250 000 soldats, mal équipés, mal dirigés, sans logistique. L’Empereur, affaibli par la maladie, prend lui-même la tête des opérations. En face, 800 000 soldats prussiens et allemands sont mobilisés en un temps record grâce au chemin de fer. La guerre va tourner au carnage.
L’armée française s’effondre, Paris est encerclé
Les premières batailles virent au désastre. À Wissembourg, Woerth, Forbach, Beaumont, les troupes françaises sont repoussées sans ménagement. Le 2 septembre, à Sedan, Napoléon III capitule et tombe aux mains de l’ennemi. En réaction, la République est proclamée à Paris deux jours plus tard. Un gouvernement de Défense nationale est mis en place, bien décidé à poursuivre la guerre. Il envoie Gambetta organiser la résistance depuis Tours. Paris, assiégé, résiste tant bien que mal, malgré le froid, la faim, les bombardements. La guerre devient totale et désespérée.
Pendant ce temps, Metz tombe avec la trahison du maréchal Bazaine, livrant 173 000 soldats à l’ennemi. Strasbourg, Bitche, Belfort se battent héroïquement. Des armées de volontaires, de mobiles, de francs-tireurs surgissent. Certaines obtiennent des victoires (Coulmiers, Patay), mais la machine de guerre prussienne est implacable.
Le 28 janvier 1871, Paris capitule. Les conséquences sont terribles : une indemnité de 5 milliards de francs-or est exigée. L’Alsace et une partie de la Lorraine sont cédées. L’armée allemande défile sur les Champs-Élysées. La France est humiliée.
De la défaite à l’esprit de revanche
La défaite militaire se double d’une crise intérieure majeure. Une partie du peuple de Paris refuse la reddition. Le 18 mars 1871 éclate la Commune, insurrection ouvrière qui tourne à la guerre civile, réprimée dans le sang. Pendant ce temps, l’Allemagne proclame son empire dans la galerie des Glaces à Versailles. Une revanche symbolique éclatante sur l’humiliation de Louis XIV à l’égard de l’Allemagne.
Mais cette humiliation va forger un nouvel imaginaire français. Partout, on érige des monuments aux morts, des ossuaires, des statues patriotiques. Le Souvenir français est créé pour entretenir la mémoire des soldats tombés. Des tableaux comme Les Dernières Cartouches, des figures comme le Lion de Belfort deviennent icônes nationales.
La République se stabilise, mais la « ligne bleue des Vosges » reste dans tous les esprits. L’armée et l’école deviennent les piliers de la revanche. En Allemagne, le chancelier Bismarck isole diplomatiquement la France à travers une toile d’alliances (Triple Alliance, Duplice). De son côté, la France se tourne temporairement vers la colonisation, mais le souvenir de 1870 reste vif. La crise Schnæbelé de 1887, puis la montée du boulangisme, témoignent de cette tension constante.
L’esprit de revanche couve. Beaucoup de généraux de 1914 sont des vétérans de 1870. Lorsque la Grande Guerre éclate, c’est en partie l’héritage de ce conflit oublié.
La guerre de 1870 fut plus qu’une défaite : un séisme géopolitique, une fracture nationale, un acte fondateur de l’Allemagne moderne. Elle a façonné les mentalités françaises pour un demi-siècle, jusqu’à la Première Guerre mondiale. À Sedan, Paris, Belfort ou Metz, les fantômes de 1870 hantent encore l’Histoire.