Le Congrès mise sur la culture pour réconcilier la Calédonie. Une opération sincère ou pure communication ?
Une soirée d’interculturalité… mais pour quel impact réel ?
Le 24 juillet 2025, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie organise une nouvelle édition de ses « Rendez-vous de l’institution », cette fois sur le thème de l’interculturalité. Un sujet aussi essentiel que sensible dans un territoire profondément marqué par les fractures historiques, sociales et politiques. L’événement est gratuit, ouvert à tous, mais soulève une question cruciale : que cherche-t-on réellement à construire ?
Animations culturelles, slam, breakdance, conférence d’experts… Le programme est riche, mais le fond semble parfois noyé sous la forme. Une soirée ne suffira pas à panser les plaies encore vives des crises politiques récentes. Et la multiplication de discours ne garantit pas une transformation durable.
Performances artistiques : le pansement symbolique des fractures profondes
Dès 17h, le Congrès se pare de bonne volonté avec des animations culturelles ouvertes à tous les publics. Slam avec Simanë Wénethèm, guitare acoustique, breakdance avec Wave NC, et même « surprises » au programme. L’intention est claire : rendre l’interculturalité accessible, vivante, festive.
Mais derrière ce vernis sympathique, le risque est grand de réduire la complexité du vivre-ensemble à quelques performances artistiques. La culture n’est pas un cache-misère.
La jeunesse kanak, océanienne, wallisienne, asiatique ou européenne mérite plus qu’un numéro sur scène. Elle attend des actes. Des formations. Des perspectives. Des financements. Pas des applaudissements de façade.
Conférence : des paroles d’experts mais peu d’engagements concrets
À 18h, place à la conférence dans l’hémicycle : « Le rôle des projets interculturels dans un processus de réconciliation et de dialogue post crises ». Un intitulé prometteur, mais qui laisse un arrière-goût d’incantation.
Certes, les intervenants sont légitimes : universitaires, artistes, représentants associatifs (UNC, SACENC, OSSO, ADAMIC, Ville de Nouméa…). Mais on regrette l’absence d’acteurs de terrain issus des quartiers. L’interculturalité ne se décrète pas depuis les fauteuils du Congrès.
Les échanges seront sans doute intéressants. Mais quelles décisions en sortiront ? Quels budgets seront engagés ? Quelles mesures concrètes pour favoriser l’intercompréhension dans les écoles, les institutions, les médias ? Sur ce terrain-là, le flou reste total.
Une opération politique qui soigne son image plus que le fond
La présence des deux vice-présidentes — Virginie Ruffenach (groupe Loyalistes) et Omayra Naisseline (UC-FLNKS et Nationalistes) — est présentée comme un signal fort. Mais elle sonne aussi comme une opération de communication conjointe.
Le Congrès semble vouloir dire :
Voyez, nous dialoguons, nous soutenons la culture, nous écoutons les artistes
Mais la réconciliation ne s’instrumentalise pas à coups de soirées thématiques. Elle demande du courage, des ruptures avec les logiques de domination, un partage réel dans un sens comme dans l’autre. La discrimination positive a atteint ses limites.
Une société multiculturelle qui attend des actes, pas des slogans
La Nouvelle-Calédonie n’a pas besoin qu’on lui répète qu’elle est interculturelle. Elle l’est déjà, dans ses écoles, ses quartiers, ses mélanges, ses familles.
Alors oui, il faut saluer l’initiative. Mais exigeons plus que des conférences filmées et des slams applaudis. La réconciliation, si elle est réellement visée, ne se décrète pas en trois heures. Elle se construit dans la durée, avec du courage, de la mémoire, et une volonté réelle de part et d’autre.