Trump signe un mégaplan domestique à visée électorale. Mais ses conséquences percutent déjà le Pacifique.
Une loi américaine, des répliques jusqu’en Océanie
Le 4 juillet 2025, Donald Trump a signé une loi aussi clinquante que controversée : la One Big Beautiful Bill Act. Officiellement, ce texte vise à relancer l’économie américaine, alléger la fiscalité, et redonner de la marge aux foyers américains. Mais derrière cette vitrine électorale, le texte entraîne une refonte profonde des priorités américaines, avec des effets immédiats à l’international — notamment dans l’espace Indo-Pacifique.
Au menu : réduction massive des aides sociales, création de “Trump Accounts” pour l’épargne personnelle, élargissement du crédit d’impôt pour enfants… mais aussi coupes brutales dans Medicaid et SNAP, programmes essentiels pour les Américains les plus vulnérables. Résultat : 12 millions de personnes pourraient perdre leur couverture santé. Et ce n’est pas tout : le déficit budgétaire explosera de 2 400 milliards USD sur dix ans, selon des projections indépendantes.
Mais c’est surtout dans le domaine de la défense et des relations internationales que l’impact du OBBBA se fait sentir : 150 milliards USD injectés dans l’armement, des exigences accrues envers les alliés, et une logique de coopération purement transactionnelle. Pour les partenaires du Pacifique, c’est un avertissement : l’Amérique ne paiera plus seule.
Le Pacifique mis à contribution, et mis à l’épreuve
Trump exige désormais que les partenaires les plus stratégiques – dont l’Australie et le Japon – portent leurs dépenses militaires à 3,5 % du PIB, bien au-delà de l’objectif de 2 % fixé par l’OTAN. Dans la région Indo-Pacifique, cela signifie une pression directe sur les budgets nationaux, une transformation des alliances, et une fragilisation des projets communs comme AUKUS. D’ailleurs, la production de sous-marins américains prend du retard, remettant déjà en cause certains engagements.
Autre bombe passée sous les radars : la taxe sur les transferts d’argent à l’international. Initialement pensée pour cibler les clandestins, elle touche désormais tous les citoyens américains envoyant de l’argent à l’étranger. À 1 %, elle peut sembler minime, mais pour les économies insulaires comme Tonga ou Samoa, où les remises représentent jusqu’à 35 % du PIB, l’effet est immédiat : baisse des revenus des familles, hausse des circuits informels, perte de stabilité financière. Un retour de flamme pour des pays déjà fragiles.
Et comme si cela ne suffisait pas, le texte abroge les crédits d’impôts verts et les normes anti-pollution de l’ère Biden. Désormais, seuls les fournisseurs “made in USA” ou “hors Chine” seront subventionnés. Conséquence : ralentissement du verdissement mondial, et signal désastreux pour les îles menacées par le climat.
Le retour d’un empire égoïste ?
Le message de Trump est limpide : l’Amérique d’abord, les autres ensuite. L’OBBBA n’est pas un texte de politique étrangère, mais il en fixe les bases budgétaires et idéologiques. Fini le multilatéralisme, place à l’unilatéralisme conditionné. Les alliés devront non seulement payer, mais aussi adhérer sans réserve aux choix stratégiques américains, sous peine d’exclusion.
La doctrine est claire : moins d’aides, plus d’armement, moins d’émissions de CO₂, plus de pétrole américain, moins de solidarité, plus de transactions. Pour les États du Pacifique, l’époque des “bons sentiments” est terminée. Et pour les chercheurs en relations internationales, l’OBBBA marque un basculement historique : celui d’un empire qui impose son ordre intérieur à l’extérieur, sans consultation.
Rien n’est plus globalisé qu’une loi américaine.