Le nouveau président sud-coréen change de cap diplomatique : moins d’OTAN, plus de pragmatisme.
Un tournant stratégique assumé
La Corée du Sud abandonne la doctrine indo-pacifique initiée par Yoon Suk Yeol. Cette stratégie visait à élargir le rôle stratégique de Séoul, à renforcer les liens avec l’OTAN et à faire de la Corée un “État pivot global”. Sous Lee Jae Myung, ce cap est abandonné au profit d’une ligne plus souple et nationale.
La nouvelle administration ne mentionne même plus l’Indo-Pacifique dans ses déclarations. À la place, elle revient aux politiques du président Moon Jae-in (2017-2022), notamment la Nouvelle politique du Sud et la Nouvelle politique du Nord. Objectif : coopération avec la Chine, ouverture vers la Russie, et fin du rôle de supplétif dans l’ordre libéral occidental.
Ce recentrage signe un recul net dans les ambitions diplomatiques sud-coréennes. L’époque des discours sur l’ordre international fondé sur des règles, sur les partenariats avec l’Europe et sur la défense des “valeurs communes” semble bel et bien révolue.
Coopération militaire maintenue, mais réduite
Le partenariat avec l’OTAN ne sera pas rompu, mais son intensité va nettement décroître. Les liens stratégiques, notamment dans les exportations d’armement vers la Pologne et l’Europe de l’Est, seront préservés — par intérêt plus que par conviction.
Lors du sommet de l’OTAN 2025, Lee a refusé de participer, contrairement à son prédécesseur. Une absence symbolique qui marque le refroidissement des relations. Dans son entourage, deux lignes s’opposent : une aile favorable à l’alliance avec les États-Unis, menée par Wi Sung-lac, et une autre plus critique, incarnée par Lee Jong-seok, qui voit l’OTAN comme un instrument de confrontation avec Pékin et Moscou.
Ce dilemme se reflète aussi dans la posture ambivalente de Lee, présent au sommet du G7 mais absent de l’OTAN. Il cherche l’équilibre entre ne pas insulter l’héritage de Yoon tout en affirmant sa propre ligne diplomatique.
Une ligne pragmatique qui interroge les alliances
Le changement de ton est profond. Lee prône une politique de “pragmatisme stratégique”, moins idéologique, moins alignée, plus orientée vers l’intérêt national immédiat. Une approche qui ouvre la porte à un rapprochement économique avec la Chine (Belt and Road Initiative) et un apaisement avec la Russie, en dépit des tensions internationales.
Ce repositionnement, à rebours des attentes occidentales, alimente les clivages internes. Les conservateurs accusent Lee de renoncer à l’alliance avec Washington. Les progressistes, eux, réclament une rupture complète avec l’ère Yoon. Lee tente de jouer sur les deux tableaux, mais son absence à l’OTAN tranche.
En définitive, la Corée du Sud ne rompt pas avec l’Ouest, mais elle recompose ses alliances avec prudence. Les coopérations militaires survivent, mais la vision géopolitique change. Moins de confrontation, plus de manœuvres. Moins de symboles, plus de contrats.