Ils avaient tout perdu… sauf leur avocat.
Condamnés ou mis en cause, désavoués par les urnes, isolés politiquement, Philippe Gomès et Philippe Michel persistent à vouloir peser dans l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Dernier épisode en date : les atermoiements du Conseil d’État sur la démission d’office — ou non — de Philippe Gomès, qui lui offrent néanmoins un sursis en attendant le jugement sur le fond.
Le Conseil d’État botte en touche
C’était leur dernière carte. Le 1er juillet 2025, Philippe Gomès a déposé un référé-suspension contre l’arrêté du haut-commissaire le déclarant démissionnaire d’office de ses mandats d’élu. Motif de la décision : une incompatibilité juridique apparue en cours de mandat, sur le fondement de l’article 195 de la loi organique du 19 mars 1999.
Dans sa requête, Gomès plaidait l’urgence, une atteinte grave à ses droits, et soulevait une question prioritaire de constitutionnalité. Il dénonçait un texte flou, inéquitable, contraire aux droits fondamentaux garantis par la Constitution.
Mais le Conseil d’État a botté en touche. Par une ordonnance fondée sur l’article L. 522-3 du Code de justice administrative, le juge des référés a rejeté sa demande.
Tout s’est joué dans le point 4 des « considérants » : le juge y explique que le recours principal — encore en attente — suspend de fait l’exécution de l’arrêté contesté. L’urgence n’est donc pas avérée. Résultat : Philippe Gomès n’est pas démis dans l’immédiat… mais reste politiquement sur la sellette.
Un parti vidé par les urnes… et par l’histoire
Ce répit judiciaire ne masque pas un déclin électoral immense et désormais irréversible. En 2014, Calédonie ensemble récoltait 27 424 voix aux provinciales. En 2019, ils n’en obtiennent plus que 13 122. Un effondrement qui se poursuit avec la perte de la mairie de La Foa en 2020, puis la défaite aux législatives de 2024, où le parti perd son dernier siège de député.
En 2024, ils reviennent brièvement au pouvoir par des accords d’appareil, récupérant la présidence de la commission permanente du Congrès. Une victoire de circonstance qui masque mal l’état d’agonie du parti, vidé de ses militants, de ses élus et de son ancrage local.
Calédonie ensemble n’est plus qu’un sigle sans substance, tenu à bout de bras par deux hommes qui refusent d’accepter la défaite.
Les fantômes du passé judiciaire
Car derrière la bataille institutionnelle, c’est bien la trajectoire personnelle de Philippe Gomès qui cristallise les critiques. L’homme, jadis député, président du gouvernement, faiseur de majorité, enchaîne depuis des années les affaires judiciaires :
Affaire ADRAF,
Affaire SPOT,
Procédure NCE,
Dossiers de financement public et de favoritisme encore en cours.
Autant de contentieux qui minent sa crédibilité et alimentent l’image d’un élu usé, retranché derrière ses avocats. Son alter ego, Philippe Michel, est tout aussi effacé, mais reste aux manettes du parti, multipliant les manœuvres internes et alliances opportunistes.
En 2019 déjà, le duo était prêt à s’allier aux indépendantistes pour conserver l’exécutif. En 2025, ils n’hésitent pas à mobiliser les plus hautes juridictions pour préserver, ne serait-ce qu’un strapontin au Congrès.
Le pouvoir, peu importe le prix.
La décision du Conseil d’État est claire : la procédure de fond décidera du sort de Philippe Gomès, mais son éviction politique semble inéluctable. Son combat juridique n’aura été qu’une manœuvre dilatoire de plus, révélatrice d’une logique politique déconnectée des réalités.
Le peuple a tranché. La justice aussi, ou presque. Reste une question, fondamentale : quand le pouvoir devient une obsession personnelle, qui représente-t-on encore ?
Car aujourd’hui, Gomès et Michel ne défendent plus un programme, un projet ou une vision : ils défendent leur survie politique, contre vents, marées… et verdicts.