Elles protègent nos côtes, filtrent nos eaux, nourrissent nos lagons… et elles disparaissent. En Nouvelle-Calédonie, les mangroves luttent pour survivre.
Un patrimoine naturel vital, mais gravement menacé
Entre mer et terre, la mangrove incarne un écosystème d’exception. En Nouvelle-Calédonie, elle couvre environ 35 000 hectares, abrite une biodiversité foisonnante et jouant un rôle crucial contre l’érosion côtière, les changements climatiques et la pollution des eaux. Mais derrière cette richesse, les menaces s’accumulent : déchets plastiques, remblaiement, urbanisation anarchique, digues, perturbation des flux d’eau… Les zones urbaines, notamment à Nouméa, Dumbéa et au Mont-Dore, voient leurs mangroves amputées, dégradées ou totalement asphyxiées.
Certaines zones, comme Rivière-Salée, ont perdu 70 % de leur surface en 60 ans. Les chenaux se bouchent, la végétation meurt, les espèces fuient. L’enjeu n’est pas seulement écologique : c’est aussi social, économique et climatique. La mangrove est à la fois réservoir de biodiversité, zone de pêche vivrière, puits de carbone et rempart contre les tempêtes. En la perdant, c’est toute une chaîne de services qui s’effondre.
Une riposte coordonnée et ambitieuse pilotée par la province Sud
Face à l’urgence, la province Sud a lancé en 2024 un Plan d’Action Mangrove (PAM) inédit. Objectif : sauver ce qui peut l’être, restaurer ce qui a été détruit, et préparer les mangroves à affronter le futur. Signée le 30 avril 2024, une convention-cadre unit désormais les efforts de la province, des communes (Nouméa, Païta, Dumbéa, Mont-Dore), de l’UNC, et d’acteurs associatifs comme SOS Mangroves et Caledoclean.
Les actions s’enchaînent :
Suppression de digues anciennes, permettant à la mer de regagner son espace naturel.
Revégétalisation de 4 400 m² à Rivière-Salée, par plantation de palétuviers.
Installation de capteurs hydrodynamiques pour suivre le rythme des marées.
Déploiement de cartographies LIDAR de haute précision.
Nettoyage et réhabilitation des chenaux obstrués.
Mais la restauration ne peut se faire sans connaissance fine du terrain. C’est pourquoi un diagnostic environnemental et social a été lancé, puis suspendu après les exactions de mai 2024. Il devrait reprendre dans les mois à venir.
Parallèlement, des projets de sentiers écologiques, de panneaux pédagogiques et d’outils numériques comme l’application ROM permettent aux citoyens de s’impliquer et de signaler les atteintes à la mangrove.
Associations, chercheurs, citoyens : une mobilisation à tous les étages
Les associations jouent un rôle central. À Touho, l’association Hö-üt mène un projet participatif sur une mangrove classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Grâce à un financement européen et à un partenariat local, les habitants apprennent à préserver leur littoral, tout en valorisant le potentiel économique et culturel de ces zones. À La Coulée, ce sont près de 10 000 palétuviers qui vont être plantés grâce à Mon Idée Ma Province, mobilisant des jeunes, des riverains et des bénévoles passionnés.
L’Université de la Nouvelle-Calédonie, de son côté, alimente le PAM par ses expertises : suivi LIDAR, capteurs, modélisation du climat et des flux hydrauliques. Selon Cyril Marchand, vice-président de l’UNC, la mangrove calédonienne est globalement en bon état, mais des poches urbaines souffrent d’une pollution chronique et de pressions minières ou agricoles localisées.
Enfin, les mangroves littorales seront renforcées contre les effets climatiques par des « projets démonstrateurs » appuyés par le programme PEBACC+ et l’Initiative Kiwa. Objectif : créer un modèle reproductible pour restaurer les zones érodées partout sur le territoire.
Face à la montée des eaux, aux tempêtes plus fréquentes et aux pollutions terrestres, la mangrove est notre dernier rempart naturel. Préserver cet écosystème, c’est protéger nos côtes, notre biodiversité, notre sécurité alimentaire, notre climat. La Nouvelle-Calédonie a encore la chance de disposer d’une mangrove globalement saine. À condition d’agir vite, fort et ensemble.