Baisse d’activité de 80 %, zéro licenciement, diversification : Azur Piscines affronte la tempête économique calédonienne avec lucidité.
Une entreprise locale frappée de plein fouet par la crise
Le choc est brutal, les chiffres vertigineux : Azur Piscines enregistre une baisse de 70 à 80 % de son activité construction en 2024. Fondée en 1999 et installée à Païta, cette entreprise pionnière de la piscine en fibre de verre n’a pourtant jamais cessé de produire, malgré un marché effondré. Son directeur, Sébastien Mausse, parle sans détour :
Quand vous êtes taillés pour produire 300 piscines par an et que vous n’en réalisez qu’une quarantaine, c’est un crash industriel.
Mais au lieu de céder à la panique, l’entreprise a fait un choix rare : préserver l’emploi coûte que coûte. Pas de licenciement, très peu de chômage partiel : une politique de résistance sociale saluée même par ses concurrents.
On a préféré réorganiser, occuper nos équipes autrement, faire de l’interne plutôt que couper des têtes.
Pourtant, l’horizon reste bouché : l’investissement massif de 50 millions XPF lancé début 2024 pour créer de nouveaux moules a été stoppé net.
On a arrêté à un tiers du programme. Aujourd’hui, plus rien ne se programme
Une stratégie de survie fondée sur l’humain et l’innovation
Face à l’incertitude économique, l’entreprise s’est recentrée sur ses activités magasin et le service après-vente, désormais au cœur de la rentabilité. Le magasin de Magenta, pillé lors des émeutes de mai 2024, n’a pas été reconstruit.
On s’est repositionné à l’orphelinat, dans un local plus modeste mais plus stratégique.
C’est là qu’intervient la révolution numérique, moteur de rationalisation interne. Gestion GPS des techniciens, envoi automatisé des rapports d’intervention, recours à l’intelligence artificielle pour fluidifier les processus : l’entreprise a investi dans les outils, pas dans les murs.
Toute l’équipe est formée à l’IA, c’est une nécessité, pas un gadget
insiste le patron. Cette mutation technologique permet de maintenir une qualité de service à la hauteur, alors que le cœur de métier, la fabrication, tourne au ralenti. Une nouvelle manière de faire de l’économie : plus agile, plus réactive, plus résiliente dans un contexte incertain.
Une fiscalité adaptée et une parole politique qui redonne espoir
L’un des rares signaux positifs est venu du politique. En début d’année, Christopher Gygès a porté une mesure inédite : la déductibilité des travaux de piscine de l’IRPP, mettant fin à une exception qui classait cet investissement comme produit de luxe.
Ce n’est pas miraculeux, mais c’est un levier réel pour certains clients indécis
admet S. Mausse. Cette défiscalisation redonne un peu d’oxygène à un secteur à l’agonie, mais ne suffit pas à relancer l’ensemble d’une chaîne fortement impactée par la baisse des investissements des ménages.
Ce qu’il faut, c’est de la visibilité, pas seulement des coups de pouce ponctuels.
Et l’avenir ? Le directeur reste prudent mais déterminé : geler les investissements, consolider le modèle existant, et rester attractif pour les jeunes.
On ne réussit pas sans envie. J’ai commencé à l’accueil. Aujourd’hui je dirige l’entreprise. Il faut s’investir à fond.
Une leçon de management local : ne pas sacrifier les hommes pour sauver les chiffres
Azur Piscine n’est pas un cas isolé, mais elle incarne une autre manière de réagir à la crise calédonienne. Pas d’appel à l’aide tonitruant, pas de désignation de boucs émissaires, mais une posture sobre, solidaire, efficace.
Dans un climat où la défiance envers les chefs d’entreprise grandit, la stratégie de M. Mausse redonne de la légitimité à ceux qui assument leurs responsabilités.
On protège d’abord les emplois, ensuite l’outil de production. L’inverse n’a pas de sens humainement.
Cette position, courageuse, devrait inspirer d’autres acteurs du tissu économique local. Car derrière les piscines, c’est toute une philosophie du travail et de la responsabilité qui est en jeu.