Infirmiers en fuite, hôpitaux saturés, patients en détresse : la Nouvelle-Calédonie s’enfonce dans une crise sanitaire majeure.
Le gouvernement répond avec un avant-projet de loi du pays ambitieux, censé sauver un système à la dérive.
Une pénurie dramatique : médecins et infirmiers manquent à l’appel
Plus de 150 médecins manquent à l’appel, et deux fois plus d’infirmiers dans les zones critiques. La tension est extrême dans les centres hospitaliers, où les professionnels s’épuisent et où les patients des îles et de la Province Nord affluent massivement vers Nouméa, aggravant la saturation du CHT Gaston-Bourret.
Le texte propose d’assouplir les conditions d’exercice pour attirer de nouveaux professionnels :
Réduction du délai pour passer en libéral,
Création d’un statut de collaborateur non salarié,
Suppression de la condition de nationalité européenne,
Reconnaissance de diplômes étrangers.
Mais l’essentiel reste ailleurs : garder ceux qui tiennent encore bon. C’est ce qui a été proposé ce 21 juillet lors de la séance du congrès de la Nouvelle-Calédonie, au travers du texte déposé par l’intergroupe Loyaliste. Car un infirmier sur deux veut partir. Un abattement fiscal de 20 % sur les revenus d’activité est donc prévu pour les encourager à rester. Il concerne tous les infirmiers, sur tout le territoire, et les médecins en zone de pénurie.
Des compétences élargies pour tous les soignants : un big bang médical
C’est une révolution dans les pratiques qui s’annonce pour les professionnels de santé :
Les sages-femmes pourront prescrire des arrêts maladie, vacciner toute la population, traiter les IST chez les partenaires.
Les pharmaciens gagneront le droit d’administrer certains vaccins.
Les infirmiers pourront poser des diagnostics, prescrire, voire constater un décès.
Un pas de géant est aussi franchi avec l’extension de la pratique avancée infirmière à des secteurs clés : écoles, foyers de protection de l’enfance, hôpitaux. Les IADE, IBODE et puériculteurs sont eux aussi concernés.
Ces mesures visent à décharger les médecins, trop peu nombreux, tout en valorisant les compétences locales. Car face à la fuite des talents, l’enjeu n’est plus simplement d’attirer, mais de ne pas devenir un repoussoir.
Protection sociale : mieux contrôler, mieux protéger, mieux soigner
Le contrôle des dépenses sociales devient une priorité absolue. L’avant-projet introduit un service de contrôle médical permanent, avec possibilité de conditionner les prescriptions suspectes à un accord préalable pendant 6 mois. Des amendes administratives sont prévues pour les abus.
Côté patients, le tiers payant intégral s’étend, notamment en biologie et imagerie médicale. Des expérimentations seront lancées pour d’autres actes, sans avance de frais. Une avancée cruciale pour les plus fragiles.
La souveraineté numérique en santé est également renforcée : les données médicales devront être hébergées localement ou dans un pays jugé équivalent en matière de protection. Agrément obligatoire, certification, référentiels techniques : l’État calédonien se dote d’outils modernes pour piloter sa e-santé.
Enfin, des stocks obligatoires de médicaments seront mis en place sur toute la chaîne : laboratoires, grossistes, pharmacies. L’objectif ? Éviter les ruptures de traitement, souvent vitales, notamment dans les zones isolées.
Le système de santé calédonien vacille, mais il peut encore être sauvé.
Ce projet de loi, vaste et structurant, marque une rupture : il donne enfin à la Nouvelle-Calédonie les leviers pour agir, piloter et anticiper, avec l’ambition claire de garder ses soignants, former les jeunes, attirer les talents. Mais ce texte n’est qu’une brique dans l’édifice : il faudra aller plus loin, sur la sécurité, la formation, les conditions de travail. Car sans cela, le territoire continuera d’être déserté par ceux qui le soignent.