Près d’une quarantaine de passagers calédoniens ont vécu un cauchemar entre Paris, Istanbul, Singapour et Nouméa. Retards, mensonges, abandon, dispersion dans toute l’Asie : Turkish Airlines est accusée d’avoir sciemment désorganisé les voyageurs pour éviter d’assumer ses responsabilités. Enquête sur une débâcle aux relents de mépris.
Une escale qui vire au cauchemar
Ce devait être un retour comme tant d’autres. Ce samedi 19 juillet 2025, une quarantaine de Calédoniens embarquent à Paris, direction Nouméa, via Istanbul et Singapour. Parmi eux, plusieurs familles avec enfants, des couples en transit, des habitants de Wallis et Futuna et quelques jeunes actifs venus visiter la métropole.
Mais à l’arrivée à Istanbul, premier coup de massue : le vol TK054 vers Singapour est annoncé avec plus de deux heures de retard. La correspondance vers Nouméa est désormais compromise. Face aux passagers hébétés, le personnel Turkish Airlines multiplie les injonctions :
Si vous embarquez, vous le faites à vos risques. Toute conséquence sera à vos frais.
Ceux qui acceptent de suivre la consigne sont immédiatement déroutés. Mais ce que personne n’avait prévu, c’est que la compagnie allait ensuite refuser d’assumer la moindre suite du voyage.
Mensonges et défausse : la stratégie du chaos
Commence alors une spirale de non-sens. Au lieu d’assurer leur devoir d’acheminer les passagers à Nouméa, Turkish Airlines multiplie les incohérences. On leur propose… un retour à Paris. Certains entendent même parler d’un mystérieux vol Paris–Nouméa direct, qui n’existe pas…
D’autres propositions paraissent absurdes : Doha via Qatar Airways, détours interminables via l’Inde, ou boucles sans fin dans des hubs asiatiques. Le vrai problème, selon plusieurs voyageurs : Turkish Airlines semble vouloir éviter à tout prix de les envoyer à Singapour, car la compagnie ne dispose pas d’accord de transit avantageux avec ce pays. Et chaque vol pris en charge leur coûte cher.
Pour justifier ce refus, les agents évoquent la « complexité des visas ». Problème : pour les citoyens Français (ce que Turkish Airlines ignore totalement), Singapour autorise le transit sans visa, et le visa australien peut s’obtenir en ligne, en moins de trois heures. Les arguments de la compagnie Turque ne tiennent pas. La mauvaise foi, elle, devient flagrante.
Familles séparées, bagages égarés : la machine s’enraye
La gestion des familles vire au grotesque. Certains parents se voient proposer des itinéraires différents de ceux de leurs enfants. Des couples sont séparés. Les pressions sont constantes : abandonner ses bagages, signer des documents flous, remettre les passeports « pour vérification » sans raison claire. Ce n’est pas Midnight Express mais on s’en rapproche.
L’une des passagères se voit enregistrer un de ses bagages… uniquement jusqu’à Singapour. L’agent qui s’en charge ne prend même pas la peine de s’assurer que la suite du trajet est assurée. Résultat : panique à l’arrivée, démarches interminables, stress logistique à chaque aéroport.
On est baladé d’hôtel en hôtel depuis 3 jours à Istanbul, les autorités nous traitent comme du bétail, aucun respect, mais on se console avec les minarets et la prière 5 fois par jour. Si ce n’était pas aussi violent et stressant, on aimerait en rire.
La confusion est telle que certains passagers se font sortir d’avions au dernier moment, pour un visa prétendument manquant, alors que toutes les conditions étaient remplies. D’autres se font refouler des hôtels prétendument réservés pour eux. Turkish Airlines, de toute évidence, n’a rien anticipé.
Une dispersion géographique invraisemblable
Ce chaos accouche d’une situation absurde : les passagers calédoniens sont dispersés dans toute l’Asie. Un couple est bloqué à Doha, un autre à Denpasar, une femme seule à Shanghai après un refus de visa. D’autres se retrouvent à New Delhi ou en transit prolongé à Jakarta.
Pour survivre à la désorganisation, un groupe WhatsApp – mis en place par l’un des passagers, informaticien de profession – s’improvise cellule de crise. Témoignages, conseils, partages d’itinéraires, numéros utiles. Les messages fusent : entraide d’urgence et solidarité active entre naufragés d’un même navire aérien.
Un abandon méthodique des passagers
Ce qui frappe, c’est l’impression d’un abandon méthodique. Pas de coordination entre les services Turkish. Pas de référent. Pas de soutien sérieux.
Les hôtels réservés en urgence sont parfois annulés sans prévenir. Des familles se retrouvent dehors à 23 heures, enfants fatigués, sans solution. Les promesses faites par un agent sont contredites par un autre deux heures plus tard. Un passager, la trentaine, résume :
On est traités comme du fret. Encombrants. On sent qu’ils veulent juste s’en débarrasser, sans payer.
Le consulat en dernier recours
Face au vide, un acteur se distingue : le consulat français. Alerté par plusieurs passagers, il joue un rôle crucial. Orientation, conseils sur les visas, contacts avec les compagnies partenaires : les diplomates sauvent ce qui peut encore l’être.
Heureusement qu’on est Français, avoue l’un d’entre eux. Sans ce passeport, on aurait dormi dans la rue.
Une leçon douloureuse mais claire : dans les grandes crises, la nationalité française reste un puissant filet de sécurité.
Colère et appel au boycott
Plus de cinq jours après le départ initial, certains passagers n’ont toujours pas retrouvé leurs valises. D’autres arrivent à Nouméa avec quatre jours de retard, épuisés, furieux, et décidés à ne pas se taire.
Dans plusieurs messages publics, les passagers appellent à un boycott total de Turkish Airlines sur les trajets vers la Nouvelle-Calédonie. Ils interpellent les agences de voyage locales :
Retirez cette compagnie de vos circuits. Protégez vos clients !
Plusieurs envisagent des recours juridiques sous forme de Class Action. D’autres demandent des comptes au niveau européen, en vertu du règlement CE 261/2004 sur les droits des passagers.
Que faire en cas d’abandon aérien ?
- Garder ses documents sur soi en toutes circonstances.
- Ne jamais signer de document incompris ou sans traduction.
- Exiger d’être acheminé à destination finale (obligation légale).
- Filmer, noter, documenter les échanges avec les agents.
- Se regrouper entre passagers pour peser collectivement.
- Contacter immédiatement le consulat ou l’ambassade.
- Saisir la DGAC ou la DGCCRF en cas de violation des droits.
En sacrifiant la vérité, la dignité et le confort de dizaines de passagers, Turkish Airlines a franchi une ligne rouge. Ce n’est plus une compagnie aérienne. C’est une entreprise cynique, prête à sacrifier l’humain pour quelques économies logistiques.
Ceux qui en ont été les victimes ont mis des jours à rentrer. Mais leur colère, elle, est bien arrivée à destination.
Toutes nos pensées les accompagnent.