La Nouvelle-Calédonie serre la vis contre la fraude et l’évasion fiscales.
Un projet de loi du pays, validé par le Conseil d’État, vise à aligner le territoire sur les standards internationaux. Transparence, sanctions, modernisation du contrôle : tour d’horizon d’une réforme qui entend marquer un tournant.
Évasion fiscale : le couperet européen plane sur le Caillou
Depuis 2017, la Nouvelle-Calédonie participe aux travaux du Forum mondial de l’OCDE, dont l’objectif est simple : traquer les territoires fiscaux opaques. L’enjeu est colossal. En cas d’inscription sur la liste noire européenne, le Caillou s’exposerait à des sanctions économiques, à commencer par la restriction de l’usage des fonds européens.
Le gouvernement entend donc corriger les lacunes de sa législation. Objectif : répondre aux exigences d’une autonomie fiscale responsable, tout en préservant l’attractivité du territoire. Car, dans une économie insulaire déjà fragilisée, une réputation de paradis fiscal ferait fuir les investisseurs.
La réforme vise d’abord à renforcer les échanges automatiques d’informations fiscales. Les institutions financières devront transmettre à la DSF (Direction des services fiscaux) la liste des titulaires de comptes non identifiés. En cas de refus, le compte pourrait tout simplement ne pas être ouvert.
C’est la fin de l’opacité pour les sociétés écrans, les résidences fiscales douteuses ou les placements offshore non déclarés.
Actifs numériques, assurances, trusts : tout devra être déclaré
Le projet de loi introduit une série de nouvelles obligations déclaratives, directement inspirées des standards internationaux :
Comptes bancaires ouverts à l’étranger, y compris par des associations ou sociétés non commerciales ;
Portefeuilles de cryptomonnaies, comme le Bitcoin ou l’Ethereum, détenus depuis la Nouvelle-Calédonie ;
Contrats d’assurance-vie ou placements souscrits hors de France et du Caillou ;
Trusts, ces dispositifs souvent utilisés pour transmettre ou dissimuler des actifs.
Le texte prévoit aussi d’encadrer les dispositifs transfrontaliers potentiellement agressifs : toute personne (fiscaliste, avocat, banquier, etc.) participant à leur conception devra les déclarer aux autorités. Cette clause anti-contournement vise les montages complexes permettant d’échapper à la norme commune de déclaration (NCD).
Côté surveillance, les partages d’informations avec l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l’AMF (Autorité des marchés financiers) seront désormais encadrés, avec pour ambition de rendre chaque euro d’investissement traçable.
Une révolution silencieuse du contrôle fiscal
La réforme ne s’arrête pas là. Le gouvernement souhaite moderniser les outils de contrôle à la disposition des services fiscaux. La nouveauté majeure ? L’examen de comptabilité à distance. Plus besoin de se déplacer dans les locaux d’une petite entreprise : la DSF pourra analyser les fichiers comptables transmis de manière dématérialisée.
Autres mesures phares :
15 jours maximum pour répondre à une demande de documents dans le cadre d’un contrôle ;
Fin de l’obligation de restituer les documents transmis numériquement ;
Possibilité d’exercer un contrôle hors des locaux du contribuable, une aubaine pour les microentreprises.
Le texte précise aussi le droit de communication de l’administration : tout refus de transmettre les documents demandés sera sanctionné plus sévèrement, y compris en cas d’entrave. De quoi faire réfléchir ceux qui, jusqu’ici, pensaient pouvoir jouer avec les règles.
En filigrane, c’est tout un modèle de relation entre contribuable et administration qui est repensé : plus de transparence, moins de paperasse, mais davantage de rigueur.
La réforme s’inscrit également dans une logique géopolitique régionale. La Chambre territoriale des comptes, dans son rapport de 2023, insistait sur l’urgence de conclure des conventions fiscales avec les territoires voisins. En ligne de mire : la Polynésie française, Wallis-et-Futuna ou encore le Vanuatu, souvent pointés du doigt pour leur manque de coopération.
Une autre recommandation : intégrer pleinement la Convention d’assistance administrative mutuelle de l’OCDE, un instrument-clé pour traquer les fraudeurs à l’international.
Pour la Nouvelle-Calédonie, le choix est clair : soit elle prend le virage de la transparence fiscale, soit elle s’expose à une marginalisation économique. Avec ce texte, elle reprend l’initiative et montre patte blanche à Bruxelles.