Sous perfusion depuis plus de dix ans, Air Calédonie est à nouveau au pied du mur. Face à l’urgence, le Congrès a voté le transfert des parts sociales de la Nouvelle-Calédonie à l’ADANC.
L’ADANC, dernier rempart d’une compagnie à l’agonie
Depuis la crise du Covid, la situation d’Air Calédonie n’a cessé de se détériorer. Malgré les injections massives de fonds publics, la trésorerie de la compagnie ne tiendra pas 2025 sans nouveau soutien. Le lundi 21 juillet 2025, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a donc entériné une mesure radicale : le transfert gratuit à l’ADANC (Agence pour la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie) de ses parts sociales, soit 191 690 actions représentant près de 422 millions F CFP.
Ce choix n’est pas anodin. L’ADANC, bras financier historique du transport aérien calédonien, a déjà versé plus de 1,7 milliard F CFP à Aircal entre 2013 et 2023 pour rembourser les emprunts de sa flotte, absorber les chocs du Covid et garantir la continuité territoriale. En 2024, elle a encore injecté 1 milliard F CFP pour éviter la cessation de paiement.
Mais jusqu’ici, l’ADANC n’était qu’un soutien extérieur. En devenant actionnaire, elle pourra désormais valoriser ses apports, gagner en réactivité, et s’impliquer dans la gouvernance de la compagnie. Un changement de statut majeur, qui vise à stabiliser un acteur central de la mobilité intérieure.
Un chantier stratégique à haute altitude
Au-delà du simple sauvetage financier, ce transfert s’inscrit dans une stratégie globale de réorganisation du transport aérien. D’une part, il ouvre la voie à une gouvernance unifiée entre Air Calédonie et Aircalin, les deux compagnies calédoniennes. D’autre part, il amorce le transfert progressif des opérations de Magenta vers La Tontouta, projet jugé vital par le président du gouvernement Alcide Ponga.
Ce projet, en discussion depuis des mois, vise à mutualiser les infrastructures, optimiser les coûts et développer un pôle aéronautique d’excellence. Il faciliterait les correspondances entre vols domestiques et internationaux, tout en renforçant la viabilité de la desserte intérieure.
L’exploitation actuelle de Magenta est jugée trop contraignante. Or, sans ce transfert vers un site plus adapté, la survie de la compagnie serait compromise à moyen terme. Ce changement d’échelle, s’il réussit, permettrait d’améliorer la qualité de service, réduire les coûts fixes et créer de nouvelles synergies industrielles.
Une fracture politique sur fond de responsabilité financière
Si le Congrès a voté à l’unanimité la délibération, des tensions subsistent, notamment autour du financement. Le groupe UC-FLNKS a pointé l’absence de contribution directe des provinces, pourtant membres du conseil d’administration d’Air Calédonie. Ce déséquilibre fiscal soulève une question délicate : jusqu’à quand la Nouvelle-Calédonie, via l’ADANC, assumera-t-elle seule la charge financière d’une compagnie en difficulté ?
Car les besoins futurs sont colossaux : en plus du remboursement du PGE (926 MF CFP entre 2024 et 2027), Aircal aura besoin de 1,8 milliard supplémentaires pour fonctionner, rembourser ses dettes et renouveler sa flotte. Ce plan de sauvetage prolongé risque d’épuiser rapidement les capacités de financement de l’ADANC, elle-même alimentée par des taxes comme la TGC.
Dans ce contexte, la question du partage équitable des efforts entre collectivités devient incontournable. Le transfert de propriété est un levier de gestion, mais il ne résout pas l’équation budgétaire. D’autant que, sans réformes structurelles, la compagnie restera durablement déficitaire sur un marché local exigu.
La cession des parts d’Air Calédonie à l’ADANC acte une nouvelle ère dans la gouvernance du transport aérien calédonien. Mais elle marque aussi l’aveu d’un échec : celui d’un modèle économique non viable sans perfusion publique. Si cette décision offre une bouffée d’oxygène à court terme, elle exige désormais une vision à long terme, partagée et financée par l’ensemble des acteurs institutionnels.