Pékin s’infiltre à petits pas dans Kiribati. Canberra garde son sang-froid. La bataille pour la sécurité du Pacifique se joue dans le silence, et Kiribati est devenue l’un des terrains les plus sensibles.
Une diplomatie chinoise de l’ombre
Depuis que Kiribati a rompu avec Taïwan en 2019 pour se rapprocher de la Chine communiste, les partenariats sécuritaires du pays suscitent des inquiétudes croissantes. Le président Taneti Maamau, de plus en plus isolé sur la scène régionale, refuse toute transparence sur ses accords avec Pékin, qu’il s’agisse d’aide économique, de coopération sécuritaire ou d’infrastructures.
Des policiers chinois sont désormais stationnés à Kiribati, travaillant au développement d’une base de données criminelle, sans qu’aucun accord formel n’ait été publié. Ce flou alimente les craintes d’une emprise chinoise sur un territoire stratégiquement situé, au cœur du Pacifique central. D’autant plus que Pékin a déjà été accusé par le passé d’y espionner les satellites américains.
L’Australie joue la carte de la constance
Face à l’agressivité diplomatique chinoise, l’Australie maintient un cap ferme : pas d’accord sécuritaire officiel, mais une aide régulière et visible. Patrouilleurs, formation cyber, soutien aux forces de police, construction de casernes et de ports : Canberra ne lâche pas la bride, même si Maamau boude ouvertement les Occidentaux.
Tandis que la Nouvelle-Zélande réduit son soutien, fâchée par le mépris de Kiribati envers son ministre Winston Peters, et que les États-Unis reculent, l’Australie reste le seul partenaire à long terme encore engagé sur le terrain.
Un pari de long terme assumé par le ministre australien de la Défense, Richard Marles, qui refuse toute rupture avec un État aussi vulnérable à l’influence chinoise.
Un archipel stratégique, aux prises avec ses fragilités
Kiribati ne dispose que d’une unique force de sécurité nationale : la Kiribati Police Service. Mal dotée, dispersée sur 20 îles et en charge de 3,5 millions de km² de zone économique exclusive, cette police peine à remplir ses missions : pêche illégale, quarantaine, maintien de l’ordre…
Or la Chine avance ses pions là où l’Occident recule. Chaque repli diplomatique donne à Pékin un espace d’action supplémentaire. Et si Kiribati quittait à nouveau le Forum des îles du Pacifique (PIF) ou refusait de coopérer à des initiatives régionales comme la Pacific Policing Initiative, le glissement vers une mainmise chinoise durable serait quasiment inévitable.
Face à cette offensive silencieuse, l’Occident doit sortir de son attentisme. L’heure n’est plus aux promesses abstraites mais à des engagements visibles, coordonnés, respectueux des souverainetés… et fermes face à la Chine.