Le faré du lycée Do Kamo a été incendié jeudi soir, relançant les craintes autour de ce lieu emblématique.
Fermeture immédiate de l’établissement, enquête en cours et une histoire qui vacille : c’est un pan du patrimoine protestant calédonien qui chancelle.
Un lycée sous tension, entre feu et incertitude
Ce jeudi 24 juillet, le lycée Do Kamo a été contraint de fermer ses portes. Pour cause : un incendie a ravagé le faré, structure traditionnelle en bois, emblématique de l’établissement. Un sinistre déclenché en début de soirée, dont les causes restent inconnues à ce stade et qui suscite une vive émotion. Les élèves internes ont été renvoyés dans leurs familles, dans l’attente de nouvelles consignes.
Mais ce n’est pas la première fois que l’établissement est visé. En 2012 déjà, ce même faré avait été incendié. Et le contexte actuel ne rassure personne : à peine sorti d’une crise majeure après la liquidation judiciaire de l’ASEE en décembre 2023, Do Kamo peine encore à retrouver une stabilité financière et institutionnelle.
Or, la multiplication des violences fragilise encore cette renaissance à peine amorcée.
Do Kamo, miroir d’une école engagée pour le pays
Le lycée Do Kamo n’est pas un établissement comme les autres. Fondé en mars 1979, il incarne l’un des plus vieux rêves de l’Église protestante de Nouvelle-Calédonie : celui de former les enfants du pays à prendre leur avenir en main. Une ambition affirmée dès 1979 au synode de Goaru, lorsque l’Église appelait à la formation des cadres kanak dans une perspective d’émancipation nationale.
L’histoire de Do Kamo plonge ses racines dans les années 1940, lorsque les missionnaires protestants Charlemagne et Lacheret achètent un terrain rue Taragnat à Nouméa. S’y développe alors un foyer protestant, espace de passage, de prière et d’enseignement. Au fil des décennies, ce lieu devient successivement foyer d’accueil, restaurant, internat, avant de s’imposer comme un véritable lycée en 1979.
Ce virage symbolique reflète la montée en puissance d’une école protestante calédonienne, portée par l’Alliance Scolaire de l’Église Évangélique (ASEE), créée dès 1958. L’objectif : construire une pédagogie alternative, enracinée dans les valeurs chrétiennes, mais aussi ouverte sur l’avenir politique et social du pays.
Incendies, bombe et relance : l’histoire mouvementée de Do Kamo
Ce nouveau sinistre vient allonger la liste déjà longue des épreuves traversées par le lycée. Le 13 mai 1985, une bombe explose dans l’établissement, marquant l’un des épisodes les plus sombres de son histoire. À l’époque, dans un contexte de tensions politiques pré-Accords de Matignon, l’éducation devient une cible symbolique.
Depuis, Do Kamo n’a cessé de se battre pour sa survie. La liquidation de l’ASEE en 2023 a ravivé les inquiétudes. L’établissement était au bord du gouffre, ses actifs menacés de vente judiciaire. C’est finalement une proposition de rachat du gouvernement, acceptée par le tribunal, qui permet aujourd’hui à l’Établissement scolaire protestant Do Kamo (EDK) de reprendre la gestion.
Mais à peine ce dossier refermé, l’incendie rouvre la plaie. À l’heure où la jeunesse calédonienne a plus que jamais besoin de repères, s’attaquer à Do Kamo revient à brûler une partie de la mémoire collective. Chaque flamme qui détruit le faré affaiblit un peu plus un établissement déjà à bout de souffle.
Do Kamo résiste, mais à quel prix ? Ce nouveau drame interpelle au plus haut niveau. Il ne s’agit plus seulement d’un lycée, mais d’un symbole d’émancipation, de lutte et d’héritage. Il est temps que la société calédonienne protège ce qui reste de ses inslattations pionnières.