Salles pleines, métiers sous tension, espoirs ravivés. Ce jeudi 24 juillet, le Médipôle a ouvert grand ses portes pour une journée cruciale : attirer la jeunesse calédonienne vers des professions hospitalières en souffrance.
Une immersion rare dans les coulisses de l’hôpital
Le CHT Gaston-Bourret, hôpital pivot de la Nouvelle-Calédonie, s’est transformé en un immense lieu d’orientation grandeur nature. Plus de 300 lycéens venus des établissements de Nouméa, du Mont-Dore ont déambulé entre les stands pour découvrir plus de 30 métiers : chirurgien, aide-soignant, ambulancier, brancardier, technicien biomédical, cadre administratif, cuisinier ou agent de sécurité.
Objectif affiché : créer un choc des vocations. Dans un climat où les ressources humaines s’amenuisent et où les postes restent vacants, cette journée répond à une double urgence : sensibiliser les jeunes et valoriser des carrières essentielles, mais souvent mal connues.
Les professionnels ont joué le jeu à fond, partageant anecdotes, contraintes et fiertés d’un métier de service.
C’est un environnement exigeant mais incroyablement riche sur le plan humain , confie une infirmière du service pédiatrique.
De quoi éveiller les consciences… et peut-être susciter des engagements.
Une formation locale encore trop limitée
Mais susciter des vocations sans débouchés, est-ce suffisant ? Car la réalité est brutale : il n’existe toujours pas de faculté de médecine sur le Caillou. Les jeunes intéressés doivent emprunter la voie difficile des Licences Accès Santé (LAS), proposées à l’Université de la Nouvelle-Calédonie (UNC), unique passerelle locale vers les études de médecine, maïeutique, pharmacie ou odontologie.
Deux LAS sont disponibles : Sciences de la Vie (SV) et Physique-Chimie (PC). La LAS SV permet également d’accéder aux études de masso-kinésithérapie, mais sous conditions strictes. Le parcours est long, exigeant, très théorique, et peu compatible avec des jeunes peu préparés aux exigences universitaires scientifiques.
Même les étudiants les plus déterminés doivent partir en métropole pour suivre la suite de leur formation, souvent à Bordeaux, Paris-Saclay ou Nantes. Un exil éducatif qui freine le renouvellement local des effectifs. Pourtant, le besoin de main-d’œuvre est critique, notamment en médecine générale, en soins infirmiers et en santé mentale.
Un institut formateur touché par les émeutes
L’autre pilier local, l’IFPSS-NC (Institut de Formation des Professions Sanitaires et Sociales), propose plusieurs cursus : infirmier, aide-soignant, auxiliaire de puériculture, ambulancier, mais aussi moniteur-éducateur ou accompagnateur de vie. Environ 200 étudiants y sont formés chaque année.
Mais le centre a subi de plein fouet les émeutes de mai 2024, avec des bâtiments plusieurs fois incendiés, du matériel détruit et des semaines de formation perturbées. Une situation dramatique pour une structure déjà sous pression logistique et pédagogique.
Et pourtant, c’est là que se joue une partie de l’avenir du système de santé calédonien. Les formations y mènent à des diplômes reconnus localement — voire d’État pour le cursus infirmier — et sont souvent le seul recours pour combler les postes vacants sur le territoire.
Des accompagnements à la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) permettent aussi de reconvertir des adultes vers ces métiers. Une solution d’urgence pour renforcer les équipes, mais qui ne suffit plus face à l’ampleur du déficit.
La Nouvelle-Calédonie cherche son souffle. La journée des métiers du CHT révèle une jeunesse prête à s’engager, mais prisonnière d’un système de formation encore trop étroit, trop dépendant de l’extérieur. À l’heure où l’hôpital est au bord de la rupture, le salut passera autant par l’éducation que par une volonté politique forte de créer enfin un parcours complet de formation médicale sur le territoire.