Le début de l’année 2025 marque un tournant inquiétant pour l’économie ultramarine. Les faillites d’entreprises explosent, avec des hausses record en Guadeloupe et à Mayotte. C’est ce qui ressort de la dernière publication de l’IEOM, parue le 21 juillet dernier.
Une dynamique nationale sous tension : les Outre-mer n’échappent pas à la vague
Alors que la France métropolitaine commence à ralentir la cadence des procédures collectives (+12,2 % contre +15,3 % fin 2024), les territoires ultramarins voient au contraire les signaux se dégrader. À la fin du 1er trimestre 2025, 2 368 défaillances d’entreprises y sont recensées (hors Polynésie), en hausse de 8,9 % sur un an glissant — une accélération par rapport aux +5,2 % enregistrés en fin d’année dernière.
Les secteurs les plus impactés : l’hébergement-restauration s’effondre littéralement avec une envolée de 32,4 % de défaillances, suivi des services aux entreprises (+18,8 %) et du commerce (+12,1 %). Dans la construction, secteur historiquement sensible, la tendance semble enfin se stabiliser avec une très légère progression de 1,1 %, alors qu’il reste le poids lourd des faillites ultramarines (près de 20 % des procédures).
Ce retournement marque la fin d’une période de répit pour les économies insulaires, pourtant encore marquées par les effets post-Covid et les tensions inflationnistes.
Guadeloupe, Guyane, Mayotte : les zones rouges de la crise
Les chiffres du 1er trimestre 2025 montrent une accentuation brutale de la crise dans plusieurs territoires.
En Guadeloupe, les défaillances bondissent de 29,5 % en un an, frôlant le record historique de 2014 (408 procédures contre 411 à l’époque). La situation est comparable en Guyane, où les faillites grimpent de 27,5 % et à Mayotte, où l’on atteint une hausse spectaculaire de +44,1 %. Si les volumes bruts restent faibles (respectivement 65 et 49 procédures), ces augmentations traduisent une perte de résilience des économies locales fragiles.
En Martinique, la hausse est plus contenue (+2,0 %), mais elle survient après un trimestre de recul inédit (-4,9 % fin 2024), ce qui suggère une fragilité persistante. Les signaux d’alerte sont donc généralisés, même là où les chiffres paraissent moins inquiétants.
Ces hausses reflètent des difficultés structurelles : dépendance à l’importation, manque d’investissement, faible renouvellement entrepreneurial… Autant de facteurs qui fragilisent les tissus économiques insulaires en période de resserrement du crédit et de contraction de la demande.
Nouvelle-Calédonie : un paradoxe en trompe-l’œil
Alors que la tendance est à la dégradation dans la quasi-totalité des DROM-COM, la Nouvelle-Calédonie fait figure d’exception. Pour le troisième trimestre consécutif, le territoire affiche une baisse spectaculaire de -23,3 % des défaillances d’entreprises, avec 283 procédures recensées.
C’est un contraste saisissant quand on connaît la gravité de la situation économique calédonienne : crise nickel, instabilité politique, climat social tendu depuis les émeutes de mai 2024… En réalité, cette embellie n’est qu’apparente : elle s’explique principalement par les mesures d’urgence massives mises en place pour soutenir les entreprises sinistrées — reports de charges, aides exceptionnelles, moratoires bancaires.
Ce repli pourrait donc être temporaire, voire artificiel. Sans relance structurelle, l’économie calédonienne risque de retrouver rapidement le chemin des tribunaux de commerce une fois les aides épuisées. Le véritable test viendra au second semestre.
Le 1er trimestre 2025 confirme une détérioration préoccupante de la santé des entreprises ultramarines, avec des territoires comme la Guadeloupe, la Guyane ou Mayotte en zone critique. Si la Nouvelle-Calédonie bénéficie encore de mesures de soutien, le répit pourrait être de courte durée. Partout ailleurs, l’hébergement, le commerce ou les services paient le prix d’un environnement économique dégradé. Le gouvernement devra rapidement adapter ses dispositifs d’accompagnement, sous peine de voir s’aggraver une fracture économique déjà bien visible.